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(Auto-)initiation à l’univers de la BD numérique

En créant sur la toile un blog de plus sur la BD, je n’avais pas imaginé, il y a quatre mois de cela, me retrouver face à un si imposant édifice : celui de la BD numérique. Alors principalement lecteur de bd papier (ce que je suis toujours, par ailleurs), j’étais venu à la bd en ligne via les blogs bd vers 2005, c’est-à-dire à peu près comme tout le monde, au moment de l’explosion du phénomène. Et déjà, ces blogs bd me paraissaient des innovations incroyables où le langage séquentiel de la bande dessinée dépassait son traditionnel rôle de narration pour entrer dans une fonction plus large de communication. Quatre ans plus tard, la BD numérique s’impose à mes yeux comme l’avant-garde innovante du média bande dessinée. Je découvre alors le retard que j’ai pu accumuler en quelques années, moi dont la maîtrise d’internet et du numérique est assez bonne, sans être celle d’un professionnel. Retour rapide sur mon propre parcours dans le maquis de la BD numérique : les blogs bd d’abord, donc, phénomène dont l’un des principaux mérites et d’avoir attiré le regard du lecteur de bd du livre à l’écran ; puis vient Scott Mc Cloud et son Reinventing comics : cet auteur américain, déjà théoricien de la BD, est l’un des premiers à se poser la question de la BD numérique et de ses opportunités ; ensuite, une familiarisation encore quelque peu distancié avec toutes les formes d’édition, d’hébergement et de publicité des blogs bd, webcomics, et autre forme de bd en ligne dont les sites Lapin, Blogsbd.fr, Webcomics.fr, Foolstrip sont, chacun dans leur domaine, des représentants ; l’interview de Yannick Lejeune m’a mis la puce à l’oreille sur l’ampleur de ceu que pouvait être les réflexions sur la BD numérique ; enfin, plus récemment, un tour du web m’a montré que ces réflexions étaient déjà largement entamées par des blogueurs, des dessinateurs, des internautes français… J’avais donc de la lecture et du temps de retard qu’il m’allait falloir rattraper…

Ce préambule un peu long et inhabituellement envahi de « je » et de « moi » pour introduire une vision de la Bd numérique, et surtout, je l’espère, des clés pour ceux qui souhaiteraient s’y intéresser plus amplement. Je commence en signalant d’emblée les sources qui m’ont servi pour réaliser cet article, et j’espère qu’ils ne m’en voudront pas de diffuser ainsi leurs réflexions (mais il m’aura semblé que les progrès de la BD numérique, pour avoir un impact, doivent être partagés).
http://blog.abdel-inn.com/ : blog de Julien Falgas, spécialiste de la Bd numérique et qui enrichit le débat par ses connaissances du secteur. Il est à l’origine de l’hébergeur Webcomics.fr.
http://lecomptoirdelabd.blog.lemonde.fr/ : Sébastien Naeco, du Comptoir de la BD, site hebergé par LeMonde.fr, a livré depuis l’automne 2009 de nombreux billets sur la Bd numérique.
http://www.prisedetete.net/ : Tony, auteur d’un mémoire intitulé « Bande dessinée interactive : comment raconter une histoire ? » a travaillé en théorie et en pratique sur les potentialités de la Bd numérique.

Quelle est donc cet étrange objet que l’on nomme « Bd numérique » ?

Sur ce point, il est clair que la Bd numérique n’est pas une seule chose, est qu’il serait vain de l’isoler en une définition. Je reprends ici une phrase de Yannick Lejeune lors de la précédente interview : « Les gens ont tendance à mélanger l’outil, la bd faite avec des outils numériques qui aujourd’hui a de moins en moins de sens puisque tout le monde y vient ; la plate-forme de diffusion, diffuser par des canaux numériques ; le support de lecture, avec les bd sur téléphone qui sont de la bd numérique. Non… La plupart des bd sur support numérique, c’est pas de la bd numérique. » A l’heure actuelle, plusieurs directions sont prises dans le monde de la bande dessinée dont le point commun est d’associer bande dessinée et support numérique :
Il y a d’abord l’adaptation de bande dessinée papier traditionnelle sur des supports de lecture numérique, soit sur écran d’ordinateur, soit sur Iphone. Deux exemples : la firme Ave! Comics (montée en 2008-2009) s’est spécialisée dans l’adaptation de BD pour supports mobiles (téléphones, Ipod…). Ils ont notamment participé à Bludzee, série de strips conçus spécialement pour téléphones portables par Lewis Trondheim (http://www.ave-comics.com/?gexp=true et une interview sur Bodoï ) ; Digibidi (janvier 2009) offre aux éditeurs un espace de diffusion sur internet, le lecteur ayant soit accès à des previews gratuites, soit pouvant télécharger pour un prix modique des albums entiers. Ils assurent par exemple la diffusion d’albums des éditions Soleil ou Humanoïdes Associés (http://www.digibidi.com/ et une interview sur Bodoï ).
Il y a ensuite, et c’est une autre étape, la création originale de bd diffusées numériquement. Notre premier cas a avant tout un impact commercial : il s’agit d’éditeurs tentant de gérer la vague numérique qui s’abat sur le monde de la culture en la maîtrisant par le biais de leur catalogue papier. Mais il ne s’agit pas de création originale prenant appui sur le numérique. Certaines bd ne sont disponibles que sur internet, ou du moins, en premier lieu sur internet. Les blogs bd en sont bien sûr un exemple, mais il existe en 2009 quelques maisons d’éditions en ligne (Manolosanctis, Foolstrip…) ainsi que des hébergeurs (Webcomics.fr, 30joursdebd…).
Toutefois, une grande partie de cette création originale utilise les moyens et les codes de la bd papier. Certains blogs bd, par exemple, sont des dessins réalisés de façon traditionnelle, avec des crayons et du papier, et ensuite scannés. Et je reprends les paroles de Yannick Lejeune : quand on parle de Bd numérique, il faut avant tout distinguer le numérique comme outil de réalisation, le numérique comme vecteur et support de diffusion et le numérique comme moyen d’innovation qui permettent d’aboutir à des Bd ne pouvant se lire que sur internet…

Justement, où peux-t-on lire de la BD numérique qui ne soit pas de la simple adaptation de bd papier ?

L’un des défis que doivent relever les acteurs de la BD numérique est l’invention d’une nouvelle forme de bande dessinée. Scott McCloud (http://scottmccloud.com/), déjà, exprime cette ambition en défendant la théorie du « infinite canvas », qui affirme que, pour la bande dessinée, une page internet fait éclater les limites de taille qui s’imposent naturellement à une bd papier (elle permet, par exemple, un défilement vertical de l’image en théorie infini).
Quelques dessinateurs français ont tenté à leur manière de développer une telle approche, partant du postulat que faire de la bd publiée sur internet autorise des innovations et formes complètement nouvelles.
Tony (http://www.prisedetete.net/) soutient ainsi que la principale innovation potentielle de la bd numérique est l’invention d’une bd interactive où l’auteur prend en compte le lecteur et l’amène à agir dans la bande dessinée. Sa propre oeuvre, Prise de tête (http://www.prisedetete.net/pdt/), tient compte de ces potentialités : le lecteur doit cliquer pour faire défiler les séquences, déplacer des cadres, faire bouger sa souris pour qu’apparaissent les éléments nécessaires à la compréhension… C’est aussi autour de l’interactivité que travaille Moon sur son blog (http://lebloggirlydemoon.blogspot.com/ ) où l’histoire est racontée par l’intermédiaire des actions du lecteur sur l’image.
Mais pour le dessinateur Balak, l’interactivité n’est pas nécessairement le seul trait de la bd numérique. Il propose sur son blog des bd-diaporama à mi-chemin entre le dessin animé et la bande dessinée : le lecteur fait défiler l’histoire en cliquant et l’image initiale évolue progressivement. Le travail que fait l’oeil sur un album papier est ici assuré par la fluidité de l’application numérique. Un exemple ici : http://www.catsuka.com/interf/tmp/bdnumerik_by_balak.html et d’autres sur son blog.

Et quel est l’état actuel de ce vaste secteur encore en cours de définition qu’est le Bd numérique, en France ?
Je vais ici laisser la parole à des connaisseurs du secteur qui ont déjà donné leur avis. Julien Falgas, par exemple, fait remarquer le retard pris par la France dans ce domaine. Dans un récent billet (2 janvier 2010), il présente la situation ainsi : « Or les professionnels de la BD francophone abordent le numérique avec des années de retard par rapport aux anglophones et aux asiatiques. Cette prise de conscience récente prend place dans un contexte marqué par de très fortes particularités par rapport aux marchés étrangers :
prédominance du blog BD,
bonne santé du secteur traditionnel (le livre),
attentisme des auteurs quant aux modèles que proposeront les acteurs traditionnels (éditeurs).
Rappelons qu’un Eisner Award récompense le meilleur webcomic depuis 2005. Chez nous, le blog BD n’est récompensé depuis 2007 que sous l’angle de la « révélation »… ».
Je vous laisse relire un précédent article réalisé par Julien Falgas dans le cadre d’une interview en septembre dernier, dans lequel il donnait un regard sur la Bd numérique (La Bd numérique vue par Geek magazine ).
De son côté, Sébastien Naeco du Comptoir de la bd voit l’année 2010 comme celle d’une possible explosion de la Bd numérique et recommande aux acteurs français d’en profiter avant que les Etats-Unis et le Japon ne soit trop en avance (billet du 5 janvier 2010, http://lecomptoirdelabd.blog.lemonde.fr/2010/01/05/bd-numerique-les-bonnes-resolutions-pour-2010/ ). Il nous avait déjà offert un tour d’horizon des technologies numériques permettant de lire la BD, pointant notamment du doigt le rôle joué par les firmes de jeux vidéos et par les dérivés des e-book (billet du 16 décembre 2009 Sur quoi lire une bd numérique).
Tous deux ont applaudi les innovations apportées respectivement par Balak, Moon et Tony, exemples encore peu nombreux mais néanmoins réels d’une expérimentation francophone en matière de Bd numérique.
Un point reste encore en suspens : la motivation des auteurs. Dans cette interview donnée à Sébastien Néaco (Yannick Lejeune du Festiblog à Delcourt ), Yannick Lejeune demande une création spontanée qu’on ne cherche pas d’emblée à canaliser mais que l’on laisse se développer : « La création a toujours été spontanée et chaotique. A ma connaissance, les plus grandes innovations artistiques viennent avant tout d’auteurs qui se sont placés en rupture, hors de tout cadre. Dans la BD, c’est arrivé très souvent : ne serait-ce qu’avec les indés et leurs nouveaux formats, tous ces gens n’ont pas attendu qu’on leur donne un référentiel pour tenter de nouvelles choses et prendre des risques. Du fait même de l’évolution très rapide des idées créatives et des supports, la BD numérique sera un modèle en constante évolution, en tout cas dans les mois à venir. Il sera donc difficile de la contenir et de la baliser : vive le bordel ! ». Selon lui, l’initiative doit d’abord venir des auteurs, non des structures d’éditions et de diffusion. Je vous laisse lire, sur cette même site, la déclaration d’un auteur de Bd, Joseph Behé sur son attitude face à la Bd numérique : ( Bd numérique, l’avis d’un auteur, Joseph Behé ).

En guise de conclusion l’observateur occasionnel et assez ignorant en matière de nouvelles technologies (et donc enthousiaste) que je suis isole trois faits qui me semblent montrer que 2009 a préparé l’arrivée de la Bd numérique qui pourrait bien jouer un rôle de plus en plus important en 2010 :
La multiplication des acteurs impliqués dans la bd numérique, en particulier des éditeurs, des hébergeurs et des fournisseurs de service (même si cette multiplication n’est pas obligatoirement une bonne chose, elle assure l’existence de structures de base qui ne demandent qu’à évoluer).
Le lancement de Bludzee à l’automne 2009 qui marque une étape dans le diffusion de bd via des supports numériques mobiles et donc l’ouverture d’un nouveau marché auprès d’un plus vaste public.
Et bien sûr, la multiplication des réflexions sur la toile autour de la Bd numérique qui peut, je l’espère inspirer des éditeurs et des auteurs. Ceux-ci se tournent d’ailleurs vers internet, soit en proposant des preview, soit en vendant des albums au téléchargement. N’oublions pas que Delcourt compte désormais dans ses rangs Yannick Lejeune, organisateur du festiblog et passionné de bd numérique, pour développer des projets autour de ce nouveau secteur.

Il me semble que le chemin vers une meilleure connaissance par le public de la Bd numérique ne peut être qu’extrêmement progressif et passe par une affirmation en continu que la Bd peut aussi se lire sur internet. De ce point de vue là, le mouvement des blogs bd a initié un élan qui pourrait aboutir à une prise de conscience du public. D’autre part, ce qui me paraît intéressant c’est qu’on assiste, en direct, à l’évolution d’un art : la Bd, dans sa composante numérique, montre qu’elle sait s’adapter à la nouveauté qu’est internet. Un art a du sens lorsqu’il prouve sa capacité d’évolution et qu’il est encore capable d’offrir des oeuvres complétement inédites, impensables quelques années auparavant, tant pour des raisons d’évolution esthétique que de savoir-faire technique. La question qui se pose encore en ce début de 2010 est qu’il n’y a pas eu de véritables rencontres entre les acteurs « structurels » (éditeurs, hebergeurs) qui ont déjà commencé à créer un marché en se servant de vieilles licences et des auteurs exploitant le numérique pour ses potentialités esthétiques ; il est vrai que sur ce dernier point, la bd numérique en est encore à ses balbutiements.

Parcours de blogueur : Guillaume Long

Dans un précédent parcours de blogueurs, j’évoquais Nancy Pena, auteur de Tea Party, en sélection officielle au festival d’Angoulême 2010. Son compagnon, Guillaume Long, fait lui aussi partie de la blogosphère avec deux blogs dont un sur la plateforme du Monde.fr. Ce jeune auteur né en Suisse en 1977 a déjà publié, dans les années 2000, de nombreux albums originaux et passionnants, dans l’esprit de la bande dessinée indépendante, expérimentale et autobiographique.

Reconnaissance rapide et parcours diversifié

Guillaume Long fait partie de la jeune génération de dessinateurs suisses qui, à l’image de Frederik Peeters (Pourquoi lire Frederik Peeters ?), Tom Tirabosco, Pierre Wazem, Ibn al Rabin, commencent leur carrière dans les années 2000 et allient assez rapidement une honnête reconnaissance et une production intense d’au moins un album par an. C’est toutefois en France qu’il s’établit en intégrant l’Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne. (époque qu’il raconte dans Comme un poisson dans l’huile et Les sardines sont cuites).
Après un court premier album publié en 2001 aux éditions Memyself, maison d’auto-édition du dessinateur Ibn al Rabin, Guillaume Long trouve une place auprès de deux maisons d’éditions : Vertige Graphic (http://vertige-graphic.blogspot.com/) pour la BD adulte et La joie de lire (http://fr.wikipedia.org/wiki/La_joie_de_lire) pour la BD jeunesse. Car il navigue, comme beaucoup d’auteurs de BD, entre les deux eaux de l’édition adulte et de l’édition jeunesse, alternant dans sa production des albums pour l’une ou pour l’autre. Vous l’aurez compris, c’est surtout sa production de BD adulte qui m’intéresse, même si sa participation active à La Joie de lire, maison d’édition jeunesse suisse fondée en 1987, n’est pas dénuée d’intérêt en ce qu’elle montre la complémentarité des deux métiers de dessinateurs adulte et enfant (La Joie de lire a dans son catalogue d’autres dessinateurs de Bd suisses comme Tom Tirabosco, Pierre Wazem et Alex Baladi). Vertige Graphic l’inscrit bien dans la mouvance de l’édition indépendante : maison fondée en 1987, elle édite essentiellement des auteurs étrangers reconnus pour leur singularité graphique (Pratt, Mattoti, Breccia, Sacco) et des albums expérimentaux, catégorie dont fait partie Guillaume Long avec ses trois albums autobiographiques : Comme un poisson dans l’huile, Les sardines sont cuites et Anatomie de l’éponge. Récemment, toutefois, il a publié dans le label « rock » de Casterman, KSTR qui édite des auteurs débutants, l’album La cellule.
Une première marque de reconnaissance est venue à Guillaume Long lorsqu’il a reçu en 2003 le prix Töpffer de la ville de jeunesse pour Les sardines sont cuites, prix qui encourage un jeune auteur résidant à Génève. Il travaille également beaucoup pour la presse, mêlant là aussi presse jeunesse (Okapi, Tchô, Phosphore, Astrapi…) et presse adulte (Le Matin, Le Monde, La Tribune de Genève…). Il lui arrive également occasionnellement, pour compléter sa panoplie d’illustrateur, de réaliser des pochettes de disques (notamment pour Angil and the Hiddentracks, http://www.angil.org/).

Un blog appétissant

Guillaume Long est aussi un blogueur, ce qui est loin d’être la partie principale de son travail mais qui l’inscrit malgré tout dans la mouvance de la BD sur internet et lui donne une présence sur la toile. C’est en janvier 2007 qu’il commence un blog intitulé un café, un dessin (http://uncafeundessin.canalblog.com/ ) qui, comme son nom l’indique, rassemble des petits dessins impromptus réalisés sur un coin de table, insolites et expérimentaux, comme cet étrange haltérophile.
Depuis octobre 2009, sa carrière de blogueur a pris un élan supplémentaire puisqu’il est devenu blogueur invité sur lemonde.fr, rejoignant ainsi ses collègues Martin Vidberg et Nicolas Wild (évoqué dans un précédent Parcours de blogueur). Le thème du blog, qui a pour titre A boire et à manger (http://long.blog.lemonde.fr/) est, comme son nom l’indique, la cuisine, sujet passionnant s’il en est et qui donne l’occasion à Guillaume Long de partager son goût pour la gastronomie. L’occasion pour lui soit de nous narrer des anecdotes de vie culinaires, de donner des astuces, mais surtout de dessiner ses recettes préférées. Ainsi nous explique-t-il, non sans mauvaise foi, comment faire un bon café avec une vraie cafetière italienne ( Pause café ). Ou encore, fin gourmet, nous donne-t-il d’étonnantes mais néanmoins apétissantes recettes à base de radis noir (Le radis noir le week-end aussi ). Une manière pour lui de concilier deux passions, le dessin et la gastronomie domestique. Le rapport dynamique entre les commentaires et les dessins rend la lecture fluide et amusante.

Une question d’influence


Guillaume Long se pose lui-même des questions sur ses influences dans son album Anatomie de l’éponge, paru en 2006. Plusieurs noms en ressortent qui nous éclairent sur son style. Le rôle de ce qui fut appelée au début des années 2000 la « Nouvelle bande dessinée française » y est incontestable : Blain, David B., Sfar, et bien sûr Trondheim.
Déjà se ressent sur le blog un goût pour la narration concise et efficace, convenant parfaitement à l’objectif que Guillaume Long s’est donné : décrire des recettes de cuisine. Il n’est nul besoin d’encombrer les descriptions de détail, mais il faut simplement aller à l’essentiel. Ainsi maîtrise-t-il bien les rapports entre le texte, comme une voix-off, et le dessin. C’est d’ailleurs là une des marques de fabrique de ses albums pour adultes (tandis que les albums enfants font davantage appel à une narration à bulles traditionnelles) : il délimite le plus souvent sa narration en petites séquences de cases soutenues par un texte sous-jacent transcrivant les pensées ou le récit du personnage-narrateur. Si, dans le blog, ce rapport texte-image est extrêmement simple (le texte complète naturellement les informations du dessin qu’il rapporte ainsi à une narration parlée) dans la mesure où Guillaume Long ne cherche pas à y faire une oeuvre d’art mais à s’exprimer clairement en image (ce qui n’est déjà pas toujours facile !), les rapports en question se complexifient dans ses albums. Il fait souvent appel au décalage ironique : le narrateur raconte la scène dans le texte mais le lecteur s’aperçoit, par l’image, qu’elle ne se passe pas aussi bien qu’elle est décrite. C’est là par exemple tout le propos de « I smell smoke », court récit paru dans le recueil Anatomie de l’éponge : il y décrit sa rencontre avec le groupe Angil and the Hiddentracks, idéalisée dans la narration, catastrophique d’après le dessin…
La patte de Lewis Trondheim perce dans le minimalisme expérimental de certains albums, et notamment le dyptique Comme un poisson dans l’huile/Les sardines sont cuites dans lequel il s’attarde sur ses années passées aux Beaux-Arts et son amitié avec Rémi, un de ses camarades. Exercice transformé en expérience sur l’autobiographie et l’interrogation sur ce qu’est la « vérité » de ce genre. Dans Comme un poisson dans l’huile, il développe le récit en 1200 petites cases carrées de même taille (même procédé que dans Lapinot et les carottes de Patagonie de Trondheim en 1992). Le texte est volontairement concis et insuffisant tandis que le dessin révèle, parfois brutalement, les difficultés du narrateur; le tout amenant un étrange sentiment de malaise. Dans ces deux albums, proches de véritables exercices de style, mais aussi dans d’autres productions ou sur son blog, Guillaume Long montre qu’il aime expérimenter, dans le dessin ou la narration : jeu sur le contour des cases, clair-obscur expressionniste, itération iconique, minimalisme allant jusqu’à l’abstraction ; dans La cellule, la réalité, tout comme le dessin, se déforme pour le héros qui vient de se faire larguer par sa copine.
Autre trait qui le rapproche des influences de la BD indépendante des années 1990 : l’autobiographie est le genre favori de Guillaume Long ; sa vie, réelle ou romancée, la matière principale de son inspiration. Et il ne s’agit pas seulement de raconter sa vie, mais surtout d’analyser son travail de dessinateur. Seul La cellule parut plus récemment chez KSTR, vient rompre avec la spécificité autobiographique.
Son rapport à Lewis Trondheim est le fil conducteur de Anatomie de l’éponge. Le célèbre dessinateur y devient « Luis Troën » est l’évocation de son simple nom provoque chez Guillaume Long des crises de timidité aiguës. Le tout est émaillée de références constantes à La mouche, célèbre série muette de Trondheim. Une obsession parcourant l’album du début et jusqu’à la fin où un postface est justement dessiné par l’idole de Guillaume Long.

Bibliographie :

Hin! Hin!, Editions MeMyself, 2001
Quentin et les étoiles magiques (avec Nathalie Gros), Editions Alice Jeunesse, 2001
Comme un poisson dans l’huile, Vertige Graphic, 2002
Les sardines sont cuites, Vertige Graphic, 2003
Swimming poule mouillée, La Joie de lire, Collection Somnambule, 2003
L’imagier de Guillaume, La Joie de lire, 2005
Anatomie de l’éponge, Vertige Graphic, 2006
Le grand méchant huit, La Joie de lire, Collection Somnambule, 2006
La cellule, KSTR, 2008
Plâtatras!, La Joie de lire, Collection Somnambule, 2009
101 bonnes raisons de se réjouir de lire, La Joie de Lire, Collection 101 bonnes raisons de se réjouir de…, 2009

Webographie :
Un café un dessin
A boire et à manger
Book en ligne

Révélation blog 2010 : à la chasse aux auteurs débutants

Le blog repart de plus belle pour l’année 2010… Je commence avec une actualité du monde des blogs bd :

Le 21 décembre 2009 est tombé la liste des 30 concurrents sélectionnés pour le prix révélation blog. Qu’est-ce que ce prix ? Qui en sont les organisateurs ? Qu’augure-t-il pour l’avenir de la bande dessinée ? Et surtout, quels dessinateurs nous révèle-t-il ? Voilà ce que je tenterais de vous expliquer dans cet article. Pour me suivre, allez d’abord faire un tour sur le site de l’évènement : http://www.prixdublog.com/.

Du phénomène de mode des blogs à la concrétisation professionnelle
A l’occasion du festival d’Angoulême 2008, alors que le phénomène des blogs bd s’est largement répandu sur le net, un nouvel événement est inauguré, le concours révélation blog. Le règlement, jusque là inchangé, est le suivant : le concours est ouvert à tous les blogueurs de plus de 17 ans, encore non édité. Les concurrents peuvent se faire connaître au mois de décembre. Une première sélection est effectuée, désignant trente blogs (pour l’édition 2010). Les internautes sont alors invités à voter, du 26 décembre au 10 janvier, pour le blog(s) préféré(s) (un vote par jour et par personne). Enfin, un jury de professionnels choisit, parmi les blogs les plus plébiscités, trois gagnants qui seront invités au FIBD pour se voir remettre leur prix. Le vainqueur aura la possibilité d’éditer un projet issu de son blog chez Vraoum. Les deux dauphins pourront quant à eux être édités chez Diantre !, et à l’Officieuse collection.
L’objectif est clair : alors que le nombre de blogs bd de dessinateurs amateurs a augmenté depuis 2007, il se peut que parmi eux se trouvent de futurs auteurs talentueux à qui il serait utile de laisser une chance. Dont acte : les deux gagnants des éditions précédentes, Aseyn (The tarp has sprunk a leak) et Lommsek (Shaïzeuh !) sortent leur album respectif chez Vraoum en janvier 2010, à l’occasion du FIBD. (je reviendrais sur ces albums le moment venu.).
A l’initiative de ce projet se trouve un partenariat entre le FIBD, principal festival de BD français, le mieux capable d’assurer une couverture médiatique à l’évènement auprès des amateurs, et trois jeunes maisons d’éditions proches du monde des blogs bd, Vraoum, label des éditions Warum (http://www.warum.fr/index.php co-fondée en 2004 par le blogueur Wandrille) ; Diantre ! (http://www.diantre.fr/) qui a publié l’album de Miss Gally Mon gras et moi, primé à Angoulême en 2009) et l’Officieuse collection (http://www.officieuse.com/), micro-éditeur mêlant édition en ligne et format papier, crée en 2007 par les blogueurs l’Esbroufe et Raphaël B.
Dans le même ordre d’idée, le jury est essentiellement composé de personnalités venues de l’univers des blogs bd, mais aux parcours suffisamment divers. Ainsi pour cette édition 2010 trouve-t-on d’une blogueuse établies en tant que dessinatrice professionnels (Marion Montaigne), les lauréats de l’édition précédente (Lommsek, Vincent Caut, Dromadaire bleu), un blogueur-graphiste-journaliste sur Nolife tv (Davy Mourier), des représentants des différents partenaires, eux aussi blogueurs, (Wandrille pour Vraoum, Pauline Bravar pour Diantre et Paprika pour le Festiblog), enfin, Matt, le créateur du blogroll Blogsbd.fr (figure incontournable de l’univers des blogs bd) et Ezilda Tribot, responsable au FIBD du « Pavillon jeunes talents ».

Dans le même temps, lier le FIBD, vieille et honorable institution de la BD (mais qui, depuis quelques années, cherche clairement à se renouveler), au phénomène des blogs bd permet de légitimer ces derniers en affirmant qu’il ne s’agit pas que d’un phénomène de mode passager sans véritable intérêt pour l’industrie de la bande dessinée, mais, que, bien au contraire, un oeil attentif et ouvert peut en tirer quelque chose. Le FIBD a déjà démontré à d’autres occasions son ouverture et son soutien aux dessinateurs amateurs ou débutants : dès la première édition existe un prix du meilleur premier album (intitulé tour à tour Prix du meilleur espoir puis depuis 2007 Essentiel révélation, il récompense à présent un auteur en début de parcours professionnel) ; Bastien Vivès en a été le dernier lauréat avec Le goût du chlore) ; un prix « jeunes talents » est également décerné à un jeune dessinateur n’ayant jamais publié.
En soutenant des blogueurs bd (jeunes ou moins jeunes, mais toujours débutants), une nouvelle étape est franchie : il n’aura fallu que quelques années entre l’explosion du phénomène des blogs bd et son intégration au FIBD. Je ne peux que me satisfaire de cette capacité que montre une partie du milieu de la bande dessinée à s’intéresser à un phénomène neuf, qui plus est lié à Internet (donc à un média étranger par nature à la BD). Et j’ajouterai que cet intérêt porté n’est pas un enthousiasme aveugle car il se fait dans le cadre d’une sélection sérieuse, assurant de cette manière sa légitimité (tout n’est pas à jeter dans les blogs bd, mais tout n’est pas bon à prendre non plus). Le mode de sélection trouve un équilibre entre le seul plébiscite des lecteurs et l’approbation par un jury de professionnels, éditeurs et spécialistes. Certes, l’initiative vient de maisons d’éditions soutenant elle-même le mouvement des blogs bd, ce qui relativise l’évènement, le restreignant encore, pour le moment, dans un cercle réduit de connaisseurs (même si Warum et Diantre sont loin de ne publier que des blogueurs, bien entendu). Néanmoins, la formule choisie me semble d’autant plus intéressante qu’elle n’essaye pas de profiter commercialement de la vague des blogs bd en abandonnant toute ambition artistique, mais qu’au contraire elle cherche, en proposant l’édition d’un album autre que « l’album du blog », à amener de jeunes dessinateurs à montrer leurs capacités. Ce qui, à mon sens, différencie l’opération des nombreuses éditions de blogs bd dont l’intérêt semble parfois limité, surtout quand ils ne sont qu’une compilation non-réfléchie d’extraits du blogs. Les lauréats des années précédentes ont bien été jugé sur leur talent de dessinateur et non sur leur popularité. Le concours révélation blog interroge plutôt l’avenir de la bande dessinée et sa capacité à motiver des dessinateurs débutants, et s’extrait déjà du phénomène de mode pour en faire autre chose.

Les concurrents 2009 : aperçu et sélection

Depuis 2007, de nombreux blogueurs ont eu l’occasion de publier un premier album, ne serait-ce que l’album de leur blog. Tous ces blogueurs ayant déjà intégré le monde de l’édition sont donc exclus d’emblée de la compétition. Mais la sélection des 30 meilleurs blogueurs bd laisse encore apparaître de nombreux talents. Il est difficile de savoir, évidemment, si le passage du blog, espace de publication sans contraintes, à l’album, sera payant. La plupart des blogueurs bd sélectionnés répondent déjà à deux critères importants : un style personnel et original et une maîtrise de la narration graphique à court terme (pour certains, déjà, à long terme).
J’ai essayé ici de sélectionner, à destination des lecteurs de phylacterium, les 10 blogs qui m’ont paru les plus intéressants parmi les 30 sélectionnés. Les votes sont ouverts jusqu’au 10 janvier, donc n’hésitez pas à voter vous aussi et soutenir les blogueurs qui vous semblent les plus prometteurs.

Il y a d’abord trois blogueurs que j’ai déjà dû évoqué dans mes articles et dont je suis un spectateur régulier. Ils tiennent leur blog depuis plus d’un an et sont connus pour leur style graphique bien particulier. Tim, sur son blog A cup of tim utilise exclusivement des feutres, ce qui lui permet une réalisation rapide et des notes très colorées. Il mêle anecdotes de vie et récits oniriques où sa bonne maîtrise de la couleur donne des effets souvent prenants. Jean-Paul Pognon (http://jeanpaulpognon.canalblog.com/), grand amateur de Trondheim auquel il emprunte souvent le style et l’humour, livre de courtes planches ironiques. Il a renouvelé son blog avec une nouvelle série, Super Pognon, un super héros qui résout les problèmes avec de l’argent. Et enfin, mon chouchou, Eliascarpe, héros du blog Comme un poisson hors de l’eau que j’avais déjà évoqué dans un article précédent (Phantasme) et dont j’adore toujours autant l’humour décalé et le style réalistico-comique.

A côté de ces têtes connues, d’autres concurrents sont tout autant de bonnes surprises que je connaissais moins et que je vous fais ainsi découvrir.
Sur son blog, Fred Noens ( http://frednoens.over-blog.com/ ) cultive le srip minimaliste, mettant en scène les dialogues de deux oiseaux. Un air connu, sans doute, mais le trait est soigné et le dessin expressif. Parcourez les archives pour perdre plusieurs heures à rire. Le blog Une frite dans les fesses est une parodie de blog qui regarde du côté de l’humour crétin et décalé : son héros, Gaylord, dont l’âge mental ne doit pas dépasser celui d’un enfant de 3 ans, raconte d’étranges anecdotes de vie. L’humour comme le style lorgnent du côté de l’underground, de Ferraille ou Winschluss, par exemple.
De nombreux blogs reprennent des formules déjà éprouvées dans les blogs de dessinateurs professionnels, mais le font très bien. Ainsi peut-on rapprocher le blog de Mathias (http://leblogdemathias.blogspot.com/ ) de celui de Marion Montaigne : il illustre régulièrement une originalité de la langue française en variant souvent le style graphique ou narratif, ou la technique. Celui du professeur horreur (http://professeurhorreur.blogspot.com/) doit beaucoup, comme il l’avoue lui-même, à Bastien Vivès : même humour cynique, même traitement par des strips noir et blanc.
C’est pour leur graphisme que je garderais les blogs de Chanouga (http://chanouga.over-blog.com/) et Martin (http://monkeyworst.blogspot.com/). Ils présentent sur leurs blogs des illustrations et des planches. Chanouga, blogueur depuis 2006, est connu pour ses histoires de sirènes et ses créatures monstrueuses ; il allie une grande maîtrise des couleurs et des cadrages étranges qui me rappellent le style d’Yslaire. Quant à Martin, il expérimente des techniques variées (dessin traditionnel, collage, noir et blanc…), au rendu graphique très intéressant. Il présente sur son blog des esquisses de certains projets d’albums.
Enfin, une dernière excellente surprise : le blog d’Adrien Nil (http://adriennil.over-blog.com/), qui en est déjà à sa conquième saison. L’auteur du blog, Vertron, raconte les aventures d’Adrien Nil, aventurier philosophe qui semble tout droit sorti du XIXe siècle. Dans un style réaliste, ce blog, plus proche du webcomic en ce qu’il constitue une histoire complète, dure depuis 2007 et mêle strips (saison 1), grandes aventures épiques dans le passé (saison 2 à 4) et courtes anecdotes historiques (saison 5). Il y en a donc pour tous les goûts et, outre le fait que le dessin, soigné, ait bien progressé, révélant peu à peu les talents de l’auteur, les saisons 2, 3 et 4, sont de véritables albums complets de 54 pages mêlant aventure, humour et connaissances historiques.

Rendez-vous au festival d’Angoulême pour les résultats et pour la parution des deux premiers albums issus du concours révélation blog paru chez Vraoum : La ligne zéro de Lommsek et Abigail de Aseyn.

Parcours de blogueur : Lisa Mandel

Avant tout, une info essentielle pour les lecteurs de blogs bd : Frantico est revenu ! (http://www.megakravmaga.com/ )

Poursuivons doucement dans la bande de l’atelier d’illustration des Arts Déco de Strasbourg, une pépinière de dessinateurs et de blogueurs. Lisa Mandel y fut la camarade de Boulet et de Nicolas Wild que j’évoquais dans de précédents articles. Née en 1977, elle est déjà une dessinatrice prolifique et complète, à l’aise aussi bien dans la BD jeunesse que dans des oeuvres pour les adultes.

Des revues jeunesse à l’édition adulte


Lisa Mandel suit d’abord un parcours classique que l’on retrouve chez ses collègues précédemment cités et chroniqués. Après ses études aux Arts Décoratifs de Strasbourg, elle s’engage dans plusieurs revues pour la jeunesse où elle dessine ses premières séries. Son style volontairement regressif la conduit dans des revues au ton moins sage, en l’occurence Tchô ! et Capsule Cosmique. Cette dernière revue, expérience éditoriale lancée en 2004 chez Milan Presse par Gwen de Bonneval, revendique la recherche d’une autre BD jeunesse, plus impertinente et autour de thématiques nouvelles et de graphismes moins traditionnels. La revue fait se cotoyer des auteurs de BD adulte talentueux, dont certains sont issus de l’Association (Stanislas, David B…) et des débutants comme Lisa Mandel, mais aussi Riad Sattouf et Mathieu Sapin (qui ont tout deux commencé à publier au début des années 2000). Elle y crée la série Eddy Milveux, jeune garçon possédant une blatte magique capable de réaliser des voeux. Malheureusement, Capsule Cosmique s’arrête en 2006. Quant à Tchô, où elle retrouve Boulet, elle y dessine les aventures de Nini Patalo, une autre histoire loufoque d’une petite fille qui, dont les parents disparaissent par magie et qui se retrouve seule avec son canard en peluche devenu vivant et Jean-Pierre, un homme préhistorique décongelé. Les deux séries lui donnent l’occasion de publier ses premiers albums. Progressivement, par ses séries et son humour original, elle s’est imposée comme une figure de l’illustration pour enfant.
Mais Lisa Mandel ne s’arrête pas là et tente aussi l’aventure de la BD adulte avec des albums plus personnels où elle montre qu’elle ne fait pas qu’elle peut aussi quitter le registre de l’humour. C’est ce qu’elle explique dans une interview donné à 20minutes à l’occasion du festival d’Angoulême : « J’étais cataloguée « petits machins rigolos ». Mais depuis quelque temps, je suis sorti du rayon jeunesse grâce à mon blog où j’abordais des thèmes différents. Avec cet album [Esthétique et filatures], j’ai atteint le statut d’auteur. Même s’il y a encore de l’absurde et du rigolo dedans. » . Commence alors pour Lisa Mandel, sans qu’elle abandonne complètement le dessin jeunesse, une nouvelle phase de son travail, moins marquée par l’humour. Les sujets qu’elles abordent sont clairement adultes, voire même graves et sérieux. Princesse aime princesse, publié en 2008, a détourne les schémas classiques du conte de fées pour raconter une histoire d’amour lesbienne. Esthétique et filatures, qu’elle scénarise avec Tanxxx, une autre célèbre blogueuse, au dessin, traite aussi, mais dans un univers plus sombre, du destin d’une jeune lesbienne. Nommé au festival d’Angoulême, l’album connaît ainsi une petite publicité. Enfin, avec HP, son dernier album sorti en septembre dernier, elle sort de la fiction pour proposer une suite d’histoires courtes où elle donne la parole à des infirmiers d’hôpitaux psychiatriques. Un album qu’elle avait, dit-elle, depuis longtemps en projet pour témoigner de l’évolution d’un métier et surtout d’un milieu peu connu du public.

Le blog de Lisa Mandel : un blog d’expatrié


Le blog de Lisa Mandel, « Libre comme un poney sauvage » apparaît sur la toile en 2005, suivant de près la première génération de blogueurs. Il ne s’agit pas pour elle de dessiner des anecdotes de vie ; ce blog a un objectif plus concret, un événement déclencheur : le long séjour qu’elle fait en Argentine en 2005. Lisa Mandel a déjà voyagé, au Sénégal et au Cambodge, mais elle décide cette fois de raconter son périple en BD, sous la forme d’un blog. Rappelez-vous Nicolas Wild : nous sommes là dans la formule du blog d’expatrié qui s’identifie au carnet de voyage, genre littéraire riche d’une longue tradition. Comme le blog de Boulet, celui de Lisa Mandel offre un graphisme étudié loin des formes plus artisanales qui sont celles des blogs bd ; le site est d’ailleurs réalisé par designfacility, un studio de création sur le web. Lisa Mandel y raconte donc son séjour en Argentine en mêlant des anecdotes classiques, impressions de voyage et réflexions sur l’écriture et la BD. Il évolue progressivement et s’enrichit de rubriques : vente aux enchères, infos sur les dédicaces… Lisa Mandel en prévoit même une version anglaise et espagnole, encore en travaux.
En 2006, le blog est édité en album dans la collection Shampooing de Lewis Trondheim, comme de nombreux autres blogs bd.
A côté de son blog principal, Lisa Mandel participe à la blogosphère par d’autres biais. Elle participe à la deuxième édition du festiblog. Elle est aussi une des cinq « chicous » du blog Chicou-chicou, où elle incarne le personnage de Juan, séducteur invétéré et bisexuel. Ayant participé aux premières 24heures de la BD en 2007, on la trouve dans Boule de neige, le collectif réuni à cette occasion par Lewis Trondheim.

Depuis novembre 2009, à la grande joie de ses fans, Lisa Mandel a réouvert son blog qui était resté en suspens après son retour d’Argentine. L’occasion en est, évidemment… son retour en Argentine jusqu’en janvier.

L’expressivité d’un style

Si Lisa Mandel fait appel à un style enfantin, assez proche de Reiser dans sa facture volontairement brouillonne, ce n’est qu’une façon de brouiller les pistes. Une esthétique très particulière, peut-être déstabilisante pour qui n’en a pas l’habitude mais que Lisa Mandel utilise aussi bien pour ses albums humoristiques pour enfants que pour des albums adultes. Elle reprend là une tradition de la BD underground du « dessin laid » qui ne recherche pas la perfection esthétique et la clarté mais vise au contraire une forte expressivité qui renforce les effets et, indirectement, humanise le dessin ; expressivité efficace aussi bien pour des scènes comiques que pour des scènes plus dramatiques. Sur son blog comme dans certains de ses albums, elle utilise une mise en page libre supprimant volontairement la traditionnelle case qui peut là encore rappeler Reiser, mais aussi les carnettistes de l’Association, Sfar et Trondheim. (note)
La richesse de Lisa Mandel réside dans cette opposition entre un style en apparence désordonné et enfantin et des réflexions qui, à bien y réfléchir, sont plus profondes qu’il n’y apparaît. C’était déjà perceptible dans ses premières séries pour enfants où le non-sens masquait un humour subtil dans son absurdité. Les albums pour adultes viennent confirmer cette capacité qui donne à son graphisme simple un fort pouvoir de suggestion qui fait passer des émotions et des idées. De véritables obsessions ressortent, tissant des liens entre le monde de l’enfance et le monde adulte : la naissance du sentiment amoureux, le pouvoir à la fois stimulant et destructeur de la folie, la force de l’imagination enfantine. Dans son dernier album, HP, édité par la très sérieuse maison l’Association, elle explore une voie documentaire tout en se servant de son graphisme pour représenter la folie et la monstruosité. Elle troque ses habituelles aquarelles pour un noir et blanc réhaussé de orange qui insiste sur les scènes critiques des étranges récits des infirmiers psychiatriques.

Bibliographie :
Nini Patalo, Glénat, 2003-2009
Chansons pour les yeux, Delcourt, (collectif) 2004
Eddy Milveux, Milan, 2004-2005
L’île du professeur Mémé, Milan, 2006
Libre comme un poney sauvage, Delcourt, 2006
Boule de neige, Delcourt, 2007
Chicou-Chicou, Delcourt, 2008
Princesse aime princesse, Gallimard, 2008
Esthétiques et filatures, Casterman, 2008
HP, L’Association, 2009

Webographie :

L’ancien blog de Lisa Mandel : Libre comme un poney sauvage (il faut passer par les archives pour lire le blog)
Le nouveau blog de Lisa Mandel : http://lisamandel.net/
Les citations sont tirées des deux interviews suivantes :
Bodoï – Lisa Mandel ausculte l’hôpital pschiatrique
20minutes – Lisa Mandel de la cour de récré à la cour des grands

Internet et l’édition de bande dessinée : le projet Manolosanctis

Comme Yannick Lejeune nous l’expliquait en novembre dans cet interview, la Bd numérique est une notion qui recouvre de nombreuses et hétérogènes réalités qui, pour la plupart, ne sont encore que des projets en devenir. Celle qui nous intéresse aujourd’hui tient à la façon dont Internet a amené à la création de maisons d’édition qui s’approprient les potentialités d’Internet à travers des projets, des choix éditoriaux et des méthodes commerciales. Internet commence à autoriser quelques changements dans le petit monde de l’édition de bande dessinée, changements encore assez peu perceptibles pour le grand public, mais néanmoins significatifs. J’illustrerais mon propos par l’exemple des éditions Manolosanctis (http://manolosanctis.com/), ce qui me permettra de vous présenter un chouette album, Phantasmes, sorti ce mois-ci, et qui révèle les talents de nombreux blogueurs bd…

Manolosanctis et l’édition de BD en ligne

La maison d’édition Manolosanctis a été créée en septembre 2009 par trois fondateurs (Arnaud Bauer, Maxime Marion, Mathieu Weber) dans le sillage de nombreuses autres éditeurs et hébergeurs de bande dessinée sur internet comme les éditions Lapin (2005) Foolstrip (2007) ou Webcomics.fr (2007) (des noms que j’évoquais dans un ancien article, Internet et la bande dessinée). Elle se situe dans le même crêneau éditorial que Foolstrip, à laquelle elle emprunte d’ailleurs certaines caractéristiques : l’accompagnement des auteurs par une rémunération en droits d’auteur, un intérêt porté aux blogueurs bd débutants, une politique d’édition de beaux albums papier qui vient s’ajouter à l’édition, courante, de BD en ligne. Quelques différences apparaissent toutefois : Manolosanctis se veut moins traditionnelle que Foolstrip, plus clairement orientée sur les potentialités et les ideaux du web. Là où Foolstrip se limite à l’édition numérique ou papier, mettant en avant un souci de qualité constante et de meilleur contrôle des contenus disponibles, Manolosanctis est aussi un simple hébergeur dans la mesure où n’importe quel dessinateur peut y publier ses dessins à la communauté de membres inscrits sur le site. Dans l’idéal, le système fonctionne comme suit : les auteurs postent leurs albums, puis les lecteurs et les autres auteurs donnent leur avis et font ainsi buzzer certains albums qui deviennent plus accessibles à partir de la page d’accueil. Les lecteurs laissent des commentaires sur les albums qu’ils lisent pour faire éventuellement progresser le jeune dessinateur. Les fondateurs utilisent pour ce mode de fonctionnement le terme de « comité de lecture permanent », dans le sens où les internautes sont de fait invités à participer aux choix éditoriaux. Une expérience semblable existe depuis 2007 aux Etats-Unis, sous le nom de Zuda Comics. Fondé à l’initiative de DC, un des grands éditeurs de comic books américains, le site organise tous les mois une compétition entre dix comics mis en ligne par des auteurs débutants. Les internautes sont invités à voter et les gagnants peuvent signer un contrat et voir leur comics publié. La différence notable est que l’accent y est véritablement mis sur la notion de « compétition », plus ouvertement que sur Manolosanctis.
L’accent est mis, on l’aura compris, sur les potentialités « communautaires » d’internet. Un forum et un blog viennent compléter le site principal, ainsi qu’une inscription dans les réseaux sociaux Facebook et Twitter. C’est bien sûr là une des utopies d’Internet : l’idée que le web favoriserait les contacts humains, le partage des opinions et des contenus, la « démocratie » au sens large du terme. Comme il est indiqué dans la présentation : « [Manolosanctis] permet à ses membres de participer activement à ses choix éditoriaux ». Il faut aller chercher le modèle du côté de Dailymotion qui, d’hébergeur vidéo, s’est mué en promoteur de vidéastes et de créateurs. Une pierre de plus dans le jardin de ceux qui veulent qu’Internet favorise la création artistique est restreignant au maximum les contraintes économiques. Manolosanctis emprunte d’ailleurs à Dailymotion l’idée d’un label de créateur, « creative contents », ici appelé « creative commons » qui garantit à l’auteur un respect de ses droits d’auteur conforme à la loi.

Personnellement, je suis toujours un peu réticent face à l’excès de « participativité » de ce type de projet. Ne serait-ce que parce que l’emploi inconditionnel des termes « participatifs » et « communautaires » a tendance à m’agacer. Ce qui est bien avec une maison d’édition, c’est aussi lorsque les choix éditoriaux sont clairs et reconnaissables, et faire confiance aux internautes bédéphiles est une solution qui m’apparaît un peu dangereuse. A sa décharge, Manolosanctis semble vouloir équilibrer les choses par une double politique d’édition qui sépare publication en ligne libre et moins contrôlée et édition papier plus exigeante, car comme il est précisé plus loin : « Le choix des ouvrages publiés en version papier s’effectue par un processus original combinant préférences de la communauté et sélection éditoriale. ». L’édition papier reste ici la garantie d’une qualité plus élevée.
Je trouve que la comparaison avec Dailymotion est d’autant plus intéressante qu’elle révèle un dilemme qui est celui de la célèbre plateforme de vidéos et qui pourrait bien arriver à Manolosanctis. Dans les deux cas, il y a une séparation entre deux objectifs certes complémentaires, mais néanmoins différents : l’hebergement et l’édition. Manolosanctis est d’abord hébergeur : il accueille des planches de BD, y compris des extraits d’albums édités chez d’autres éditeurs indépendants (Onapratut, Les enfants rouges, Bakchich, Le moule à gaufres), de la même manière que Dailymotion héberge des vidéos de France Inter ou Rue89. Le travail d’hébergeur suppose un suivi et une exigence moindres vis à vis des contenus qui doivent surtout être investis par la communauté de fans. Le travail d’éditeur, deuxième facette de Manolosanctis, est très différent puisqu’il s’agit cette fois d’insuffler une politique éditoriale, de garantir la rémunération des auteurs, d’assurer la publicité des albums. C’est un travail beaucoup moins passif et qui suppose cette fois une sélection et des choix. Dailymotion a trouvé une solution intermédiaire, son label « creative contents » qui empêche un trop grand n’importe quoi.
Dernier détail : le travail d’éditeur suppose aussi des moyens financiers. Contrairement à Foolstrip, qui demande au lecteur un abonnement mensuel, l’accès à Manolosanctis est entièrement gratuit. Il se rattrape donc sur les albums papier et sur les subventions du Centre National du Livre. Reste donc à voir si le projet tiendra sur la longueur et pourra notamment assurer une rémunération suffisante aux jeunes auteurs pour rester à la fois attractif et compétitif.

Que lire sur Manolosanctis ?

Vous l’aurez compris, la possibilité pour n’importe quel dessinateur de publier ses dessins oblige le lecteur à concevoir son propre degré d’exigence et ses propres choix. Quelqu’un qui ne chercherait que des bandes dessinées abouties pourrait être un peu perdu : un grand nombre de planches publiées sont des travaux certes honorables pour des débutants, mais qui n’aurait pas forcément leur place dans une librairie. Doit-on par exemple se diriger vers les « buzz du jour » en faisant confiance à l’avis des internautes ? Doit-on au contraire lire transversalement des dizaines de pages avant qu’une d’entres elles nous accroche le regard ? Ou bien doit-on se contenter d’aller voir les planches d’auteurs que l’on connaît déjà, par leur blog, par exemple ? Au final, chaque utilisateur dessine son propre modèle d’utilisation du site.
Ayant très certainement compris que le site ne pouvait fonctionner que si un maximum de choix était laissé à la disposition lecteur, le site multiplie le nombre de portes d’accès vers des albums : par thèmes, par auteur, par albums les plus plébiscités… Chaque internaute doit ainsi avoir le sentiment de sélectionner lui-même ce qu’il pourra aimer, d’être guidé dans ses choix propres. L’interface de lecture plein écran est plutôt bonne et simple d’utilisation.
J’ai particulièrement apprécié la possibilité de lire des extraits d’albums d’autres maisons d’éditions. De nombreux éditeurs de BD, y compris les plus grands, y viennent progressivement. Bien sûr, on peut aussi donner son avis, soit par un vote, soit par un commentaire plus complet et se voulant constructif, exercice toujours très délicat à manipuler. Enfin, Manolosanctis édite en format papier les auteurs qui recueillent le plus de suffrages et correspondent à la ligne éditoriale.
Une dernier chose : le projet Manolosanctis ne fait que commencer, on ne trouvera donc que trois albums papiers édités pour le moment… Dont un que j’ai testé pour vous.

Phantasmes
ou les espoirs de la blogosphère


Si je vous parle de Manolosanctis, ce n’est ni parce qu’ils m’ont payé pour le faire, ni par caprices, mais parce que j’ai découvert chez eux, récemment, un album qui mérite une attention toute particulière. Il s’agit d’un collectif édité en format papier et livré par Manolosanctis en 48h (ce que je peux confirmer ?). Cet album m’a intéressé pour deux raisons : d’abord parce qu’il est réussi, ensuite parce qu’il révèle quelques dessinateurs talentueux de la blogosphère.
Il s’agit d’un recueil réunissant les contributionss d’un concours lancé en septembre-octobre et parrainé par une des plus célèbres blogueuses bd, Pénélope Bagieu. Des centaines de blogueurs bd y ont répondu et parmi eux, une vingtaine de récits courts (à chaque fois environ huit pages) ont été sélectionnés pour composer le recueil intitulé Phantasmes, épais volume de 176 pages. Le thème était donc ce même titre mystérieux qui pouvait laisser libre cours à tout type de récits : humoristiques, tragique, fantasmagoriques… C’est ce qu’on trouve dans le recueil final et qui fait l’une de ses qualités : une grande diversité de thématiques et de traitement graphique et narratif. On trouvera bien sûr des histoires légèrement érotiques, mais pas uniquement. Tout ne m’a pas absolument plu mais force est d’avouer que, pour des débutants (la plupart des auteurs n’ont jamais publié d’albums), le niveau est bon et le recueil réserve de bonnes surprises.
J’y ai retrouvé quelques noms connus de la blogosphère bd et j’en ai découvert d’autres. J’attendais avec impatience les contributions de certains de mes blogueurs préférés : Manu xyz, Esther Gagné, Eliascarpe, Lommsek. Ce sont tous des blogueurs de la deuxième génération, qui débutent leur blog à partir de 2007-2008. Manu xyz nous livre avec L’antichambre un hommage velouté à l’hédonisme et au plaisir des sens, dans son style hyperréaliste proche de Solé et Alexis, avec une ambiance retro-IIIe République. Eliascarpe reste fidèle à ses deux personnages fétiches, Elias et Zack, et à son humour efficace.
Beaucoup de ces récits souffrent malheureusement du format réduit et on aimerait souvent en voir plus. Chez Esther Gagné ou Lommsek par exemple, on sent que le format de huit pages est un peu contraignant, et on espère une suite, un développement qui n’existe pas. Le récit d’Esther Gagné se veut avant tout psychologique, progressif, pour s’immerger dans l’esprit d’une fan dont la vie finit par tourner autour d’un acteur célèbre. Son style sobre et réaliste inspiré par Miyazaki, tout en noir et blanc, s’accorde parfaitement avec l’histoire.
Je découvre aussi des talents dont j’ignorais l’existence. Parmi eux Léonie dont le récit Smog met en images l’invasion de l’horreur dans le quotidien, opposant un style plus traditionnel à un traitement plus gothique de cauchemars abjects et innommables. Les couleurs oppressantes et déstabilisantes y sont bien utilisées. C’est le même sujet que traite Thomas Gilbert : l’irruption de l’horreur dans le quotidien, mais avec un trait plus fin. Ce dernier auteur a à son actif deux albums édités que je n’ai pas lu, mais dont je vous donnerais des nouvelles si j’en ai l’occasion : Bjorn le Morphir chez Casterman et Oklahoma Boy chez Manolosanctis.

Soyons honnêtes : j’ai aussi apprécié le recueil pour son caractère expérimental. Je ne l’aurais sans doute pas acheté en librairie, face à des milliers d’autres albums d’auteurs que je sais extrêmement talentueux et reconnus. Sans que je sache si je suis représentatif des utilisateurs d’objets culturels via internet, j’ai le sentiment qu’Internet donne une certaine marge de manoeuvre à la qualité : on n’est davantage enclin à se montrer indulgent. J’ai de moins en moins de doutes sur le fait qu’Internet favorise l’éclosion et la valorisation de jeunes talents qui auraient eu, en temps normal, plus de mal à se faire un nom. Le défi que les acteurs d’Internet ont à relever à présent, dans la BD comme dans les autres secteurs culturels, et d’être capables de suivre la carrière de ces jeunes auteurs et de ne pas s’arrêter à la seule découverte.

Pour en savoir plus :
Sur les maisons d’éditions en ligne :

Zuda comics
Les éditions Lapin
Foolstrip
Webcomics.fr
Manolosanctis
Sur l’album Phantasmes et ses participants :
Consulter les récits courts de Phantasmes : http://manolosanctis.com/theme/phantasmes
Le blog d’Eliascarpe : Comme un poisson hors de l’eau
Le blog d’Esther Gagné : La lanterne brisée
Le blog de manu xyz : Coins de carnets
Le blog de Lommsek : Schaïzeuh
Le blog de Léonie : On the road to nowhere
Le blog de Thomas Gilbert : Profondville