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Baruthon 2 : La Communion du Mino, Futuropolis, 1985 ; Vive la classe, Futuropolis, 1987

Je poursuis pas à pas mon exploration de la carrière de Baru, Grand Prix du FIBD 2010. Après Quéquette blues et La piscine de Micheville, Baru se fait sa place dans le monde de la BD des années 1980, avec La Communion du Mino et Vive la classe.
Ces deux albums marquent un tournant éditorial dans la carrière de Baru puisque, pour la première fois, il abandonne la traditionnelle prépublication pour dessiner deux albums complètement inédits en revue. La réalisation de ces albums, toutefois, se fait dans la foulée de sa collaboration avec Pilote et le changement éditorial n’implique pas un changement de thématique : La communion du Mino et Vive la classe viennent achever le cycle ouvert par les récits courts de La piscine de Micheville et approfondit dans Quéquette blues : des récits de jeunesse et de famille où le héros reste le milieu ouvrier et immigré de l’est de la France.

De Pilote à Futuropolis, premiers pas dans l’économie de l’album
L’année 1985 est celle de la consécration de l’auteur débutant qu’est Hervé Baruléa, dit Baru. Il poursuit tranquillement sa série Quéquette blues dans Pilote, série grâce à laquelle il reçoit, lors du FIBD 1985, l’Alfred du meilleur premier album, une récompense prometteuse. Cette même année, il se lance dans de nouveaux projets et de nouvelles collaborations, guidé par le journaliste Jean-Marc Thévenet, ancien rédacteur en chef de Pilote. Thévenet avait déjà participé à l’intégration de Baru au sein de l’équipe de Pilote. Rien d’étonnant, donc, de retrouver Baru dans la collection X de Futuropolis que Thévenet dirige depuis 1984. C’est l’origine de La communion du Mino, un album jamais réédité et difficile à trouver.

En frappant à la porte de Futuropolis, Baru pénètre dans l’univers de l’édition indépendante des années 1980. Un article récent m’a déjà permis de développer l’importance de Futuropolis pour la réédition de classiques de la bande dessinée (Pratique de la réédition dans l’édition de bande dessinée). Un autre de ses mérites, durant ces années 1980, est sa capacité à faire éclore des jeunes talents en leur insufflant l’esprit d’une bande dessinée adulte de qualité. (Götting remporte en 1986 l’Alfred du meilleur premier album grâce à Crève-coeur, justement paru dans la collection X). Ainsi voit-on se mettre en place des structures éditoriales alternatives qui prennent le relais des revues de bandes dessinées pour servir de tremplin aux auteurs débutants. Plus de 80 albums paraissent de 1984 à 1989 dans cette collection voulue par Etienne Robial, directeur de Futuropolis. Parmi eux, les premiers albums de nombreux dessinateurs qui s’imposeront dans les années 1990 et 2000, soit au sein de l’édition indépendante, soit au sein de plus importantes structures éditoriales : Pascal Rabaté, Vincent Vanoli, Mattt Konture, J-C Menu, Charles Berberian, Farid Boudjellal… Et, donc, Baru. Comme toutes les autres collection de Futuropolis, la collection X est facilement identifiable : de petits albums au format italien contenant un récit complet au nombre de pages réduit. Le prix de vente est volontairement faible (24 F, moins de 2 euros actuellement sur le marché de l’occasion), puisqu’il s’agit davantage de faire connaître un auteur que de faire du profit (des auteurs moins « débutants » publieront aussi un album dans la collection X).
Après ses premiers pas chez Futuropolis, Baru y poursuit sa carrière de dessinateur. Il est alors en train de quitter Pilote pour L’Echo des savanes, de la vieille structure en crise issue de la presse pour la jeunesse à une des revues de bande dessinée adulte encore debout. En 1986, il prépare l’album Vive la classe qui doit d’abord être édité par Dargaud. Mais c’est finalement en 1987 chez Futuropolis que paraîtra Vive la classe. Il est le premier album de grande ampleur de Baru à ne pas connaître de prépublication. Là où quelques récits courts servaient d’introduction à Quéquette blues dans Pilote, La communion du Mino sert d’introduction à Vive la classe chez Futuropolis : 54 pages en couleur pour un album grand format, mis en couleur par le déjà complice de Baru dans Quéquette blues, Daniel Ledran. Malheureusement pour Baru, il arrive dans un Futuropolis en crise, en passe de se faire racheter par Gallimard. Vive la classe est donc, de l’avis de son auteur, « sans doute mon album le plus mal vendu ».

Le cycle de l’enfance et de l’adolescence

Avec ces deux nouveaux albums, Baru affirme déjà la cohérence de son oeuvre. La communion du Mino et Vive la classe sont dans la continuité de Quéquette blues, c’est-à-dire qu’ils s’inscrivent dans le cycle de l’enfance et de l’adolescence. L’univers de Baru, qu’il conservera dans tout le reste de son oeuvre, est en train de se construire : un monde d’ouvriers immigrés, de villes industrielles, de lutte permanente pour l’avenir. Mais la lecture que fait Baru de cet univers n’est pas simplement politique, elle s’offre à nous en une série de portraits et de personnalités contrastées.
La communion du Mino est peut-être des deux l’album celui qui ressemble le moins aux précédents. Le narrateur en est « Mino », un jeune fils d’immigrés italiens, qui présente au lecteur quelques personnages haut en couleurs de sa famille : l’oncle célibataire, la tante près de ses sous, le grand-père jardinier. Alors oui, le personnage n’est plus « Baru », l’avatar de l’auteur dans Quéquette blues, mais ne nous y trompons pas : l’auteur continue son portrait de groupe de la classe ouvrière. On y retrouve les rues et l’ambiance de la petite ville de Quéquette blues. C’est toujours la voix de l’enfance qui décrit, avec son vocabulaire, son propre environnement. Je reprendrais ici une belle phrase de Baru qui résume bien son projet des années 1980 : « Ce n’est pas autobiographique. C’est la biographie des autres et du milieu social. » (Pilote et Charlie 2, 1986). Le pari est réussi dans La Communion du Mino : il offre le portrait de groupe de la classe ouvrière, sans complaisance ni mépris.

Mais c’est surtout avec Vive la classe que Baru concrétise le cycle commencé dans Pilote. Il écrit sur son site internet : « Avec Vive la classe, je terminais le cycle que j’avais commencé avec Quéquette blues. Je tournais la page de l’adolescence dans les années 60 en pays industriel en réalisant ce récit aviné. ». En effet, le thème est le même que Quéquette blues : le passage de l’adolescence à l’âge adulte par la démonstration de la virilité. On y retrouve le groupe d’amis déjà entrevu, avec comme narrateur le jeune Baru. Mais si dans Quéquette blues ce passage était justement incertain, et presque effrayant pour le narrateur, il est cette fois encadré, puisque c’est le départ pour le service militaire que nous raconte l’auteur. A Villerupt, où vit le narrateur, ce moment est un important rite de passage qui passe par le conseil de révision durant lequel les médecins examinent aussi bien la santé que la virilité des futurs conscrits. Puis, ces derniers passent les quelques jours avant le départ à faire la fête et à bousculer les filles.
Quand je dis bousculer les filles, c’est un euphémisme. Car l’affirmation de la virilité penche de plus en plus du côté de la violence, une thématique que Baru poursuivra après. Laissons-le en parler : « Je raconte ce moment où l’adolescent jette sa gourme pour passer dans l’âge adulte et j’essaye de montrer jusqu’où peuvent aller ces réflexes virils : jusqu’au viol. » (Pilote et Charlie 2, 1986). Pour cela aussi, Vive la classe est l’aboutissement de Quéquette blues : des thématiques poussées jusqu’à leurs extrêmités.

Le découpage photographique de Baru, entre fiction et documentaire

La communion du Mino est un album sobre : noir et blanc, très peu de cases, un texte important. Après le format plus traditionnel de Quéquette blues, on peut vraiment parler d’expérimentation dans cet album. Le format italien de la collection X de Futuropolis pousse les auteurs à travailler leur trait sur de grandes surfaces de papier, presque en « gros plan ». L’occasion pour Baru de travailler plus en profondeur son style, aussi bien pour des portraits, expressifs voir expressionnistes, que pour les décors. L’originalité est aussi dans la narration qui casse le récit de forme linéaire pour une suite d’instantanés.
Dans les deux albums parus chez Futuropolis pointe une ambition documentaire et réaliste qui était jusque là au second plan. Attention, Baru ne fait pas du documentaire en BD. Il ne quitte pas le registre de la fiction, mais fait appel à des procédés proches de la veine documentaire pour se rapprocher au maximum de la réalité. Cette réalité est rendue, dans la forme, par une illusion photographique. Les grandes cases cadrées sobrement de La communion du Mino sont autant de photos de famille – certaines sont d’ailleurs volontairement dessinées comme telles – décrivant soit les différents personnages, soit de silencieuses natures mortes représentant, au moyen de détails sobres mais suffisants, une cuisine ouvrière, avec sa nappe à carreaux et ses ustensiles de cuisine, ou bien encore une rue en pente. Comme si l’on pénétrait dans une intimité. C’est aussi une photographie dessinée qui commence Vive la classe, celui de la classe 68 prête à partir au service militaire. De façon tout à fait significative, Baru passe doucement du noir et blanc à la couleur au cours de l’album ; de la réalité documentaire d’un groupe à la fiction personnelle du héros.
L’autre moyen de se rapprocher de la réalité est de d’appuyer son récit sur un arrière-plan documenté. D’où les premières pages de Vive la classe, occupées par un long texte de Baru sur l’origine et les évolutions de la conscription, depuis la Révolution française jusqu’à la classe 68 qu’il représente, dernière classe à avoir connu le conseil de révision. En professionnel sérieux et érudit, il cite sa source : Michel Bozon, Les conscrits, Musée des Arts et Traditions Populaires. Ces pages sont illustrées, là encore, par des dessins clairement inspirés de photographies ethnographiques représentant, dans leurs divers costumes, les conscrits à travers les âges.
Ce n’est bien sûr pas nouveau, chez un dessinateur de bande dessinée, de faire appel à une documentation précise et rigoureuse. A la suite d’Hergé et d’Edgar Pierre Jacobs dès les années 1930 et 1940, la pratique s’est généralisée et a déjà été étudiée. Mais plus rare est le fait de mettre en avant, voire de faire précéder le récit en images d’indications documentaires, comme pour mieux l’ancrer dans sa réalité. Il faudra attendre les années 1990 et le documentaire en BD pour que l’auteur sorte de la fiction pour offrir au lecteur un récit ayant explicitement valeur de témoignage journalistique. Baru, même s’il reste dans la fiction, veut déjà se faire le témoin d’une époque et d’une société.

A suivre dans : Cours Camarade, Albin Michel, 1987


Pour en savoir plus :

La communion du Mino, Futuropolis, 1985
Vive la classe !, Futuropolis, 1987
Pilote et Charlie 2, 1986
site web de Baru où l’on peut lire quelques pages des albums en question

Baruthon 1 : Quéquette blues, Dargaud, 1984-1986 (3 tomes), La piscine de Micheville, Dargaud, 1985

Quelle ne fut pas ma surprise et ma honte, en entendant proclamer le nom du Grand Prix du FIBD 2010, de n’avoir pas lu un seul de ses albums… Une erreur que je compte, pour expier ma faute, réparer en profondeur grâce à une rubrique désormais mensuel d’articles pour explorer pas à pas sa carrière depuis la moitié des années 1980 jusqu’à la fin des années 2000, et voir comment elle s’inscrit dans les évolutions du paysage de la BD contemporaine…

Pilote des années 1980, une revue en crise ?


Le premier album de Baru, paru en trois tomes entre 1984 et 1986, se comprend d’autant mieux dans le contexte de la bande dessinée des années 1980, décennie étrange coincée entre l’explosion créatrice des années 1970 et le renouvellement éditorial des années 1990 ; mais décennie essentielle pour qui veut comprendre l’histoire de la bande dessinée contemporaine puisque c’est durant ces années que s’opère une reconversion majeure : la fin des revues et l’avènement du règne de l’album. Pour reprendre une formule de Patrick Gaumer qui résume clairement la situation, « De phénomène de presse, la bande dessinée devient phénomène d’édition. ».
Dans cette ambiance de crise de la presse de bande dessinée, Hervé Baruléa, professeur d’éducation physique et dessinateur amateur n’ayant jusque là publié que dans son propre fanzine Le Téméraire pendant les années 1970, fait ses premières armes dans la mythique revue Pilote. Seulement, l’âge d’or de Pilote, qui est considérée comme la revue ayant définitivement conquis le public adulte à une bande dessinée créative, est bien loin : les années 1970 ont vu une fuite de ses forces vives, parties fonder leurs propres journaux, définitivement plus « adultes » (Gotlib, Brétécher et Mandryka fondent l’Echo des savanes en 1972, Gotlib et Alexis fondent Fluide Glacial en 1975, Moebius et Druillet fondent Métal Hurlant en 1975). Surtout, l’hebdomadaire n’est plus que mensuel depuis que René Goscinny en est parti en 1974. Les vicissitudes du Pilote des années 1980 sont nombreuses et témoignent de la fin du modèle éditorial de l’âge d’or franco-belge, basé sur la revue : les rédacteurs en chef se succèdent, les lecteurs l’abandonnent peu à peu ; il fusionne en 1986 avec l’autre revue des éditions Dargaud, Charlie mensuel et tend à devenir un catalogue de prépublication des albums Dargaud. Durant ces années, Pilote se chercher une identité et les « nouvelles formules » se succèdent, essayant de moderniser la revue en en faisant un magazine d’informations sur la bande dessinée (interview, biographies), mais aussi en intégrant des critiques de films, de romans policiers, ou de musique. Nous sommes en pleine mode de la « BD rock », dominée par la personnalité de Philippe Manoeuvre qui cumule les fonctions de rédacteur en chef de Métal Hurlant et journaliste rock sur Antenne 2 pour l’émission Les Enfants du rock dans lequel il parle de bande dessinée. Bien qu’ayant tout fait pour rester à la mode, Pilote cesse définitivement de paraître en 1989.

Vicissutudes d’un dessinateur débutant

Qu’en est-il de Baru et de Quequette blues ? La série, qui commence sa prépublication en juin 1983 pour l’achever en 1986, s’inscrit dans tout une suite de récits complets réalisée par Baru à partir de 1982. Elle est avant tout une version longue de ces histoires de 2 ou 3 pages dans lesquelles Baru nous raconte sa jeunesse et sa bande de copains dans un ville industrielle de l’est de la France, dans les années 1960. La présentation qui accompagne la parution de la série nous explique que « cela fera bientôt deux ans que sommeillait dans nos tiroires « Quéquettes Blues ». Somptueuse histoire de gens qui ne veulent pas quitter l’adolescence, chassent les filles et boivent du Picon bière, sur fond d’hiver, de blues et de briques. Mais pas de chance, nous n’avions plus une miettes de place dans le journal… Comment faire je lui ai proposé de faire de courts récits le temps de patienter. » (Pilote n°108, juin 1983). Lui-même le rapporte : après avoir vu refuser Quéquette blues par A suivre, le projet est accepté par Willem de Charlie Mensuel, revue rachetée par Dargaud en 1982, et le projet se retrouve dans Pilote, avec l’approbation du rédacteur en chef de l’époque, Jean-Marc Thévenet, qui tente de trouver un équilibre dans le journal entre de solides pointures des années 1970 (Mandryka, Pierre Christin, F’murr, Annie Goetzinger, Gérard Lauzier) et des nouveaux dessinateurs, dont fait partie Baru. Toutefois, il doit sacrifier à la coutume du journal qui veut que les nouveaux venus, pour mettre le lectorat en confiance, doivent réaliser des récits courts qui sont autant d’échauffements reprenant les personnages et les ingrédients du grand récit qui attend sa publication.
Les premiers récits courts de Baru, tout comme Quéquette blues, se concentrent sur les faits et gestes d’une bande d’amis, tous fils d’ouvriers immigrés, obsedés par les filles, les apparences, et toujours prêts à mettre l’ambiance dans les bars de la ville et des environs. Le trait naissant de Baru y est alors extrêmement expressif, voire parfois presque violent et caricatural par moment, se concentrant sur les physiognomies. Il ébauche des décors qui situent l’ambiance du récit dans l’univers métallique des cités ouvrières ; décor que l’un des personnages se plait à contempler malgré les moqueries de ses camarades : « Ben non, je déconne pas… Moi j’aime bien, le ciel rouge, les tuyaux, la ferraille, tout ça c’est beau. ». La couleur de ces installations industrielles, souvent vues de nuit, est très importante pour l’ambiance et Baru avait d’ailleurs refusé la proposition de A suivre qui voulait bien le publier à condition de rester au noir et blanc. Le récit en images est doublé par une voix narrative à la première personne parlant au nom de « Baru », mais l’auteur a par la suite justifie sa démarche qui ne se réduisait pas à une autobiographie mais plutôt à un portrait de groupe, sorte de « pluri-autobiographies » dont le narrateur serait la classe ouvrière dans son ensemble. Il reproche ainsi à la critique de l’avoir réduit à un simple autobiographe : « Parce que vous n’avez pas vu que le « héros », n’était pas un, mais plusieurs, que c’était un groupe, un personnage collectif, et que l’autre personnage, c’était l’usine et plus généralement le monde ouvrier. Mais bon, à ma décharge, je vous l’ai dit, j’ai fourni le bâton pour me faire battre. Alors que je disais juste « Je » pour dire sans ambiguïté que je, auteur, ne prenais pas de haut les personnages que je mettais en scène, que je n’étais pas au-dessus de cette mêlée-là. »
Le thème de Quéquette blues, si simple (le narrateur, puceau de 18 ans, parie avec ses amis lors du nouvel an qu’il sera dépucelé sous 3 jours) est, en apparence, dans la lignée du journal Pilote de ces années 1980 qui, tant par tradition de la BD adulte des années 1970 que pour attirer le lectorat, parsème alors ses pages d’histoires de sexe et de femmes nues aux formes engageantes. Mais Quéquette blues est bien plus subtile. Le sexe n’y est pas idéalisée puisque, bien au contraire, il n’est jamais représenté, le narrateur étant, on le devine, toujours dans l’attente tout au long du récit et, de surcroît, effrayé par la chose. Et puis surtout, l’histoire de Baru colle à la réalité, même dans sa trivialité. La provocation et l’humour transgressif, deux thématiques qui ont douillettement élu domicile dans la bande dessinée pendant les années 1970, sont ici mis au service d’une peinture sociale qui ne quittera pas l’univers de l’auteur. Ce dernier avoue d’ailleurs s’être lancé dans la BD à la lecture des provocateurs défricheurs de Charlie Hebdo, Reiser en tête. Au sein de Pilote, la série de Baru voisine avec celle du grinçant Gérard Lauzier, Souvenirs d’un jeune homme, où un autre adolescent découvre la vie en essayant de s’échapper de sa famille bourgeoise. Deux jeunesses différentes pour deux styles distincts qui, pourtant, traduisent le même intérêt de la bande dessinée pour la société contemporaine et la question du passage à l’âge adulte.

Fortune éditoriale : Baru et le règne de l’album


Malgré les changements de rédaction (Thévenet est remplacé en 1984 par Francis Lambert), la série de Baru continue et est logiquement publiée en album chez Dargaud dès 1984 au fur et à mesure de son avancement. Mieux encore, elle reçoit en 1985 le prix du meilleur espoir au FIBD, signe que le dessinateur débutant marque déjà les esprits de ses collègues. En 1985, pour accompagner la sortie des albums, les récits courts des débuts dans Pilote sont réunis au sein de l’album La piscine de Micheville.
La fortune éditoriale de ses trois (plus un) albums ne s’arrête pas là. Au contraire, ayant le statut de « premiers albums » de Baru, ils sont régulièrement réédités par les éditeurs successifs du dessinateur, comme pour signifier qu’ils contenaient déjà en germe les autres oeuvres. Ainsi peut-on suivre l’évolution éditoriale de la carrière de Baru à travers ces rééditions : en 1991, c’est Albin Michel qui réédite Quéquette blues sous le titre de Roulez jeunesse, au moment où Baru travaille à L’Echo des savanes (la revue d’Albin Michel) ; puis, en 1993, Albin Michel réédite également les récits courts de La Piscine de Micheville en ajoutant quelques pages. Ce cas de changement de titre est, à ma connaissance, assez exceptionnel dans la BD contemporaine et je serais curieux d’en connaître la raison… Enfin, en 2005, c’est au tour de Casterman, le nouvel éditeur régulier de Baru depuis 1995, de rééditer Quéquette blues en intégrale (ce n’est pas le seul album de Baru que Casterman réédite, formant ainsi autour de lui un catalogue presque complet). C’est sous cette dernière forme que l’album est actuellement le plus facile à trouver. Quant à La Piscine de Micheville, la maison d’édition Les rêveurs l’a réédité en octobre dernier (réédition prémonitoire ?), avec un travail de couleur de l’auteur.

A suivre dans le Baruthon : La communion de Mino et Vive la classe !, Futuropolis, 1985 et 1987

Pour en savoir plus :
Quéquette blues, Dargaud, 1984-1986, (3 tomes). Réédité par Albin Michel en 1991 sous le titre de Roulez jeunesse, puis par Casterman en 2005.
La piscine de Micheville, Dargaud, 1986. Réédité par Albin Michel en 1993 (épuisé chez l’éditeur), puis par Les rêveurs en 2009
Pilote, n°108-133, Pilote et Charlie, n°1à 4
Patrick Gaumer, Les années Pilote, Dargaud, 1996
Le site officiel de Baru : http://baru.airsoftconsulting.info/Accueil.aspx