Charlie Hebdo : le crayon contre le fusil

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Je n’ai pas l’habitude de me servir de ce blog pour des tribunes, mais enfin… à travers l’attentat barbare commis contre la rédaction de Charlie Hebdo, c’est une attaque contre la liberté artistique, en plus d’être, plus généralement, une attaque contre cette liberté d’expression qui a toujours caractérisé la presse française. Le soutien à Charlie Hebdo, quel que soit sa forme, est nécessaire pour qui dispose d’une plateforme publique, et la multiplication des appels sur twitter m’amène à associer Phylacterium aux rassemblements qui ont lieu un peu partout en France. Comme a pu le dire Anthony Rageul sur twitter : « on tue des artistes parce qu’ils font leur boulot ».

L’attentat me ramène plusieurs années en arrière, au temps des caricatures de Mahomet, en 2006. Je me souviens du procès, de sa médiatisation, des débats qu’il avait suscité, du livre de Joann Sfar que j’avais dévoré. Il y avait alors quelque chose de passionnant, que l’on partage ou non les combats des dessinateurs de Charlie Hebdo, à voir défendue la liberté de la presse, et rien que pour que ça on pouvait les remercier de nous avoir amené à se poser des questions sur ce que signifiait vraiment l’engagement graphique, sur la poursuite de la tradition anticléricale dans un pays déchristianisé, et ce qu’était la force du dessin de presse, cette force du crayon qui ne doit pas se perdre. C’était important aussi pour ma génération qui n’avait pas forcément connu les dernières vagues de censure des années 1960, auxquelles la naissance de Charlie Hebdo était aussi une réponse.

L’attentat terroriste brouille les idées, provoque l’évitement des débats, encourage les amalgames, et ceux qui le commettent le savent. C’est l’effet noir du fusil qui force à la terreur, qui gomme l’esprit, là où le crayon, toujours, sera là pour créer et donner vie aux idées.

 

3 réflexions au sujet de « Charlie Hebdo : le crayon contre le fusil »

  1. Blaise

    Malheureusement, le crayon peut très bien collaborer avec le fusil; en particulier le crayon du caricaturiste, habile à déshumaniser celui d’en face : il suffit de se rappeler les caricatures de guerre, les dessins antisémites… C’est d’ailleurs ce qui rend cet art attachant : c’est l’art moral par excellence, au sens le plus vrai du terme. Le dessinateur s’engage; il fait des choix bons ou mauvais, généreux, intéressés, ou carrément criminels.

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    1. mrpetch Auteur de l’article

      Très juste… Ces derniers jours, et le recul pris sur les attentats du début du mois m’ont ramené à l’esprit les caricatures de propagande anti-allemande de la première guerre mondiale, par exemple.
      La différence reste que si le dessin peut, au mieux, déshumaniser et déshonorer (ce qui n’est pas rien), le fusil lui, peut seulement tuer.

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  2. Coopain des bois

    « La différence reste que si le dessin peut, au mieux, déshumaniser et déshonorer (ce qui n’est pas rien), le fusil lui, peut seulement tuer. »
    Pas aussi simple ! Je crois qu’une pensée peut tuer, une parole peut tuer, et un dessin peut tuer. Pour preuve des enfants poussés au suicide à cause du harcèlement d’autres enfants.
    Aussi un pensée bienveillante, une parole réconfortante, un chaleureux dessin peut sauver.

    Dans le sens contraire, un fusil peut sauver, tout au moins protéger celui ou ceux qui sont menacés de mort par les armes.
    Je crois que la liberté d’expression n’a de sens que si elle est conjuguée à la recherche de vérité, de fraternité et à l’égalité, sinon on devrait parler plus justement de déchainement débridé de violence gratuite, de haine et de mépris. Prendre comme principe d’être bête, méchant et irresponsable, c’est se permettre d’utiliser son crayon comme d’une bombe à fragmentation. N’utilisons pas nos crayons comme des armes de destruction massive de tous ceux que nous ne comprenons pas !

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