Lewis Trondheim et Fabrice Parme, Panique dans l’Atlantique, Dupuis, 2010

Il y a peu est sorti Panique en Atlantique, le sixième album de la série « Une aventure de Spirou et Fantasio par… », dessiné par Fabrice Parme et scénarisé par Lewis Trondheim. Un album fort attendu pour moi, pour plusieurs raisons. D’abord parce que l’innénarable Lewis Trondheim est sans doute l’un de mes auteurs préférés et que je guette ses albums avec une certaine impatience. Mais il y a une toute autre raison : l’un de mes premiers billets sur ce blog était consacré au précédent album de la même collection, Le groom vert-de-gris, qui avait beaucoup fait parler de lui à sa sortie pour d’obscures polémiques que je vous laisse relire dans l’article du 29 août 2009.
Trèves de polémiques cette fois avec Panique en Atlantique, un délicieux album au charme rétro qui va me permettre d’évoquer une autre de mes lubies : l’évolution du principe de série dans les vingt dernières années.

(ça n’a strictement rien à voir, mais pour ceux qui suivent l’actualité de la BD numérique via ce site, je vous invite à lire l’article de Tony sur l’interactivité, article passionnant et impressionant : Des clics et du sens)

Spirou dans le rétroviseur


Etrange cette manie qu’ont les différents auteurs de « Une aventure de Spirou et Fantasio par… » d’ancrer leurs albums dans une époque précise qui est aussi celle des premiers succès de la série : déjà Emile Bravo et Yann, les scénaristes des deux précédents albums déroulaient leur histoire dans un Bruxelles occupé par les Allemands dans les années 1940. Cette fois, Trondheim est allé voir du côté des années soixante où les croisières sur l’Atlantique sont encore à la mode.
Mais peut-être devrais-je avant tout rappeler ce qu’est la série lancée en 2006 par Dupuis avec « Une aventure de Spirou et Fantasio par… ». Le principe de base est de considérer que Spirou est devenue une série suffisamment mythique pour mériter une réinterprétation par des auteurs qui ne sont pas des habitués de Dupuis et à qui l’on propose ainsi une forme d’hommage. Chaque album constitue donc un one shot dans lequel les auteurs sont libres (du moins c’est ce qu’on suppose) de mener le scénario et le dessin comme il souhaite à partir des deux principaux protagonistes. Didier Pasamonik relate dans un article, par ailleurs bien inutilement et injustement méchant à l’égard du nouvel opus, le contexte des éditions Dupuis depuis la fin des années 1990 et leur tentative de relancer et moderniser la série principale. On se souvient par exemple du marquant Machine qui rêve de Tome et Janry qui, en 1998, modifia en profondeur les habitudes des lecteurs et reçu d’ailleurs un accueil mitigé. Morvan et Munuera, en reprenant la série de 2004 à 2008, essayèrent de trouver un juste milieu entre le dernier essai détonnant de Tome et Janry et « l’esprit » de la série, si tant est que cette expression puisse dire quelque chose.
Le premier album de la série « Spirou et Fantasio par… », Les géants pétrifiés, avec Yoann au dessin et Fabien Vehlmann au scénario sort donc dans ce contexte en 2006 et expose bien les principes de la nouvelle série : proposer des albums « inattendus », qui n’auraient pas forcément leur place dans la série principale que ce soit par leur dessin ou par leur scénario. L’écart par rapport à la série-mère peut ici s’épanouir librement puisqu’il ne dure que le temps d’un album : ceux qui l’aime s’en réjouissent, ceux qui ne l’apprécie pas se consolent de savoir que cette abonimation ne durera pas. Suivent en 2007 Les marais du temps de Frank Le Gall, Le tombeau des Champignac de Yann et Tarrin. Et puis les deux albums suivants font parler d’eux, quoique pour des raisons toutes différentes : Le Journal d’un ingénu d’Emile Bravo surprend à la fois par son scénario (relater la jeunesse de Spirou et sa rencontre avec Fantasio en une sorte de fable fondatrice de la série) et par le grand succès qu’il rencontre ; Le groom vert-de-gris de Yann et Olivier Schwartz est l’objet d’une polémique. Les trois albums de Le Gall, Bravo et Yann et Schwartz diffèrent par leur scénario de la série principale en faisant le choix de s’ancrer dans une époque précise (le XIXe siècle pour le premier, la seconde guerre mondiale pour les deux suivants.).

Lewis Trondheim n’en est pas à son coup d’essai dans le registre « spiroutien » : il avait déjà réalisé en 2003 au sein de sa série principale, Lapinot, un album intitulé L’accélérateur atomique qui se voulait un hommage direct à Spirou et Fantasio : Lapinot, le héros de Trondheim, y jouait un Spirou bondissant à qui se joignait un Fantasio-volatile et un Spip-lapin. On apprend sur le site de Trondheim qu’il avait proposé à Dupuis cet album de Spirou dans son habituel registre animalier, mais que l’éditeur n’avait pas suivi, d’où L’accélérateur atomique dans la série Lapinot.
Rien de surprenant non plus de retrouver à ses côtés Fabrice Parme. Parmi les innombrables dessinateurs que Trondheim a scénarisé, Parme est un des plus fidèles. Ils ont réalisés ensemble les séries Venezia (2001-2002) ainsi que la série pour enfants Le Roi catastrophe (2001-2005) et l’album OVNI (2006).

Lisons maintenant l’album sous l’angle de l’exercice de style propre à la série « Spirou et Fantasio par… » : trouver le juste milieu entre l’originalité et le style propre des auteurs momentanés et les bonnes vieilles formules de la série sexagénaire. Ce n’est pas la seule approche, mais c’est celle qui m’intéresse.
Dans l’échelle entre humour et aventure, qui sous-tend la série Spirou et Fantasio, Trondheim et Parme choisissent clairement le registre de l’humour. L’intrigue peut se résumer en quelques lignes. Spirou, Spip, Fantasio et le comte de Champignac se retrouvent sur un paquebot de luxe coincé dans l’Atlantique (je dis bien « dans » l’Atlantique) suite à une invention malencontreuse du comte. Le groom fera tout pour sauver les passagers d’une terrible agonie. Autour de cette trame, Trondheim brode une suite de péripéties burlesques qui font intervenir les passagers du bâteau : une célèbre actrice pourchassée par Fantasio en quête d’un scoop, la propriétaire acariâtre d’un chien qui n’aime guère le pauvre Spip, un agent d’assurances pragmatique et un capitaine jogger et courageux, entre autres personnages que l’on retrouvent d’ailleurs tous sur la couverture. De la série initiale, il reprend le goût pour les inventions loufoques et je ne peux m’empêcher de voir une allusion aux premiers albums de la série dans la structure narrative faite d’une suite de gags qui n’ont rien à voir avec l’intrigue mais donne un rythle endiablé. De lui-même, Trondheim reprend certains obsessions, dont l’agent d’assurances Lenoir, paranoïaque et calculateur de risques qui semble être sorti des carnets de l’auteur qui se représente souvent avec ce même tic. Le duo Spirou/Fantasio paraît parfois traité sur le même mode que le duo Lapinot/Richard de la série Lapinot : le premier aventurier et honnête, le second froussard et menteur. Je cesse là mes divagations trondheimesques.
Car les références principales de Panique en Atlantique sont plutôt à chercher du côté du cinéma et du film d’animation, et c’est là ce qui fait son intérêt et son originalité. Le trait de Fabrice Parme est inspiré de l’animation américaine des années 1960, avec ce style tout en courbes, ces femmes à la taille de guèpe et l’expressivité cartoonesque des personnages. On pense à La Panthère Rose et aux dessins animés du studio Hanna-Barbera. Fabrice Parme est aussi dessinateur dans l’animation : il a notamment crée les personnages de la série La Famille Pirate à la fin des années 1990. Il déploie ici un style très élégant qui s’accorde avec l’ambiance sixties-croisière frivole du scénario. Mais à côté de l’animation, je ne peux m’empêcher de trouver des rapprochements avec la tradition burlesque de la comédie américaine. L’idée d’une histoire se passant sur un paquebot me fait penser au Monnaie de singe des Marx Brothers ; le rapport au burlesque américain est dans les incessantes scènes de poursuites, tandis qu’on retrouve aussi des éléments du slapstick, en particulier le recours à une violence comique exagérée. Trondheim emprunte enfin à la comédie américaine le mouvement perpétuel d’un gag à l’autre, sans répit et sans transition, et l’arrivée de « l’aventure » (après une vingtaine de pages de gags) est d’ailleurs un peu étrange tant l’idée même d’une intrigue semble exclue de l’histoire.

La loi des séries


On observera à quel point le principe de la série « Une aventure de Spirou et Fantasio par… » est à l’opposé des questionnements incessants sur la continuité des séries à succès nées en Belgique et en France dans les années 1940-1960. Faut-il laisser la série à un nouvel auteur ou au contraire la figer dans son mythe ? Les réponses ont été très diverses à cette question sur laquelle il n’y a pas, en réalité de consensus. Des arguments tant esthétiques que financiers (car ces séries franco-belges sont bien souvent des « rentes » pour l’éditeur ou les auteurs et leurs ayant-droit) sont invoqués selon le cas. La série Tintin a connu cette cryogénisation mythificatrice, « selon les souhaits de Hergé », dit-on, et ce malgré le désir de Bob de Moor, bras droit du dessinateur. D’autres séries ont opté pour une continuité « dans l’esprit de la série originale », avec des repreneurs formés à l’école de l’auteur initial (Les Schroupmpfs, repris par le fils de Peyo ; Alix repris par des dessinateurs et scénaristes formés par Jacques Martin). D’autres encore connaissent eux aussi une reprise, mais par des auteurs sans cesse différents (Blake et Mortimer). J’ai la ferme impression que Spirou est la série de cette époque (la grande époque de Tintin, Spirou, Pilote, c’est-à-dire d’il y a plus de cinquante ans) qui s’en sort le mieux en parvenant à assurer son adaptation aux temps modernes de la bande dessinée par un changement constant d’auteurs et une forte perméabilité aux évolutions esthétiques.
La raison tient à son histoire même : dès le départ, Spirou n’est pas la série d’un homme, comme a pu l’être Tintin, mais celle d’un éditeur, Dupuis. Les auteurs se succèdent à la tête de la série, depuis les origines jusqu’à nos jours. Le personnage crée par le français Rob-Vel pour être la mascotte du journal du même nom est racheté par l’éditeur Dupuis en 1943. Il est ensuite repris par Jijé alors que Rob-Vel se lance dans une carrière dans la presse quotidienne française. Jijé imagine le personnage de Fantasio et laisse très vite les rênes de la série à un de ses élèves, André Franquin qui la dessine de 1945 à 1969. La série entre alors dans l’ère du succès grâce au trait imaginatif de Franquin : des albums commencent à paraître et le dessinateur s’adjoint parfois l’aide de collaborateurs, comme Jidéhem pour le dessin et Greg pour le scénario. Mais, à la fin des années 1960, Franquin préfère se consacrer à plein temps à son autre série plus personnelle, Gaston Lagaffe, et il faut lui trouver un remplaçant. C’est d’abord un jeune auteur breton, Jean-Claude Fournier, qui reprend la série jusqu’en 1980, mais c’est cette fois Dupuis qui souhaite changer d’auteur à la question de la reprise se pose à nouveau au début des années 1980. La situation est alors assez confuse. Yann et Conrad proposent un projet refusé ; Yves Chaland dessine dans le journal un épisode, Coeurs d’acier, qui sera inachevé jusqu’en 1990 et ne paraîtra pas en album chez Dupuis. Puis, Nic Broca au dessin et Raoul Cauvin au scénario dessinent trois épisodes en 1982-1984 qui ne rencontrent pas suffisamment de succès. Finalement, c’est le duo Tome (scénario) et Janry (dessin) qui est jugé le plus apte à reprendre la série de 1982 à 1998. Partant du recueil La Jeunesse de Spirou paru en 1987, ils créent un spin-off, Le Petit Spirou cette même année. Occasion leur est donnée dans cette série parallèle d’adopter un ton plus délirant et transgressif qui renouvelle le statut de la série principale sur le mode parodique, en même temps que les codes humoristiques de la bande dessinée pour enfants. Dans le même temps, ils essaient de moderniser Spirou et Fantasio mais, en 1998, préfèrent se consacrer entièrement au Petit Spirou. Le problème de la succession se pose à nouveau et la série s’interrompt pendant six ans. Il faut attendre 2004 pour voir une reprise par Jean-David Morvan et José-Luis Munuera. Mais comme précédemment avec Broca et Cauvin, l’éditeur ne juge pas le succès suffisant pour continuer cette collaboration. Au même moment, Les géants pétrifiés de Yoann et Fabien Vehlmann rencontre un bon accueil dans le public et ils reprennent officiellement la série principale en janvier 2009, pour un album à sortir en septembre prochain (ce résumé improvisé est sans doute plein d’approximations, je m’en excuse…).

Le principe de série, qui marque le succès commercial et médiatique de la bande dessinée des années 1950-1960 (elle permet la continuité du héros et donc la fidélisation du public, et donc une manne financière presque assurée et continue) a été en partie interrogée lors de la décennie 1990. Les critiques les plus virulentes viennent de l’édition indépendante qui émerge en s’opposant justement au principe de la série et en privilégiant le one shot. C’est aussi à cette époque que se pose la question de la reprise de nombreuses séries dont les auteurs vieillissent ou meurent. Certains éditeurs et auteurs tentent de trouver de nouvelles formules pour renouveler l’intérêt du principe de série. Dans les années 2000, l’un des axes choisis par certains, qui souhaitent malgé tout garder l’assurance de succès populaire que permet ce principe, est de changer de dessinateur tout en gardant un seul scénariste. La variation des styles permettant ainsi un renouvellement, au moins de façade. Glénat utilise ce principe pour Le Décalogue, scénarisé par Frank Giroud (2001-2003) et pour Le triangle secret (2000-2003), scénarisé par Didier Convard. Ces deux séries font aussi l’objet de l’application d’une autre stratégie éditoriale : lancer des séries parallèles à la série principale, toujours en gardant le même scénariste. Soleil opte franchement pour cette stratégie en enrichissant l’univers de Lanfeust de Troy de nombreuses séries parallèles scénarisées par Scotch Arleston (Trolls de troy, Les conquérants de Troy, Les légendes de Troy…).

Trondheim et les séries
J’en reviens alors à Lewis Trondheim qui n’est pas en reste dans ces réflexions, et ce d’autant plus qu’il est justement issu de l’édition indépendante. Il s’est attaché, dans deux cas, à bousculer le principe de la série et à trouver de nouvelles voies : dans Lapinot et dans Donjon.
Commençons par Lapinot, sa série principale. Après deux albums à l’Association mettant en scène son lapin anthropomorphe (Lapinot et Les carottes de Patagonie en 1992 et Slaloms en 1993, à quoi il faut ajouter Mildiou au Seuil en 1994), Trondheim commence en 1995 une série chez Dargaud, sobrement intitulée Les formidables aventures de Lapinot. Il se base alors sur un principe simple : la série alterne entre des albums se passant dans le monde contemporain et mettant en scène Lapinot et ses amis (Richard, Pierrot, Titi, Nadia…), dans la suite de Slaloms (qui est d’ailleurs redessiné en réédité en 1997 en tant que numéro 0), et des albums « à thèmes » dans des univers alternatifs ou lesdits personnages « jouent » un rôle (western, polar…). Puis, en 1997, Trondheim commence chez Dargaud une nouvelle série. Plutot que lui trouver un nom différent, il l’appelle Les formidables aventures sans Lapinot. Comme leur nom l’indique, les quatre albums parus sous ce titre se passe dans l’univers contemporain et anthropomorphisé de Lapinot, l’humour étant d’ailleurs le même, mais le personnage principal n’y est pas présent, même si d’autres personnages secondaires de la série principale occupent alors le devant de la scène (le quatrième étant sorti en mars dernier pour les dix ans de Poisson Pilote sous le sobre titre Top Ouf ). La série Lapinot est donc étrangement schizophrène, entre une série principale où les univers varie et une série parallèle dont le rattachement à la série principale tient justement à l’absence du héros. On l’aura compris, Trondheim, dans sa logique d’exploration du genre, joue sur le principe de série sur un mode qui se rapproche de la parodie. Ajoutons à cela que, dans le dernier opus de Lapinot paru en 2003, il met un terme quasi-définitif à la série par un procédé que peu d’auteurs avaient expérimenté jusque là. Dans Désoeuvré, paru à l’Association en 2005, il évoque l’arrêt de sa série et réfléchit à la question du renouvellement chez les auteurs de bande dessinée, qui semble le hanter.
L’aventure Donjon porte en elle d’autres interrogations sur le renouvellement du principe de série à l’aube du XXIe siècle et se base justement sur une rupture constante des habitudes d’un album à l’autre. Joann Sfar et Lewis Trondheim débutent en 1998 une série intitulée Donjon chez Delcourt avec l’album Coeur de canard. En apparence, il s’agit d’une amusante parodie des univers d’heroïc-fantasy et des jeux de rôle, le titre étant une référence explicite à Donjons et Dragons. Et puis, en 1999 paraissent deux albums qui annoncent au public l’ambition démésurée de la série : Le cimetière des dragons et La chemise de la nuit. Le premier se passe chronologiquement longtemps après Coeur de canard, dans un univers apocalyptique crepusculaire, et le second longtemps avant, dans un univers médiéval sombre. Les trois temporalités de la série Donjon sont installées, avec chacun son dessinateur et son registre : Donjon Zénith, dessiné par Trondheim, Donjon crépuscule, dessiné par Sfar, et Donjon Potron-minet, dessiné par Christophe Blain. Viennent s’ajouter au début des années 2000 deux nouvelles séries parallèles : Donjon Parade, dessiné par Larcenet et sur une tonalité comique, et Donjon Monsters, dont le principe est symptomatique de la volonté de perturber le principe de série : une suite de one-shot se passant à l’une des trois époques et dessinés chacun par un dessinateur différent. Enfin, dernière étape, les trois séries principales voient leur dessinateur principal changer en 2006-2008, accueillant une nouvelle génération d’auteurs : Boulet reprend Zénith, les Kerascoët reprennent Crépuscule et Christophe Gaultier reprend Potron-Minet. Les scénaristes, cependant, restent Sfar et Trondheim.
Donjon fait appel à deux procédés que j’ai pointé précédemment avec Le triangle secret : le changement des dessinateurs et les séries parallèles. Mais ce principe est systématisé et complexifié dans la trame même qui devient comme un immense champ de possibles, puisque la série est faite pour accueillir potentiellement 300 albums, sur 300 « niveaux », le « niveau » étant ici l’unité de mesure temporelle. Le tout forme un ensemble gigantesque, permettant potentiellement tous les genres et tous les registres, et faisant se croiser une galerie de personnages en constante évolution. Mieux encore, grâce à son succès, Donjon voit apparaître son auto-génération avec le site Donjon Pirate lancé par le blogueur Wandrille en 2006. De jeunes dessinateurs amateurs et anonymes, souvent issus de la création sur internet, dessinent des planches uniques, indépendantes, tirées d’albums imaginaires se rattachant à la série Donjon. L’un des « pirates », Obion, est d’ailleurs sollicité en 2007 pour reprendre la série Crépuscule à la suite des Kerascoët.
Donjon est à bien des égards une amplification maximum du principe de série qui en arrive à sa propre dissolution : il en ressort qu’un album de Donjon peut tout à fait sembler dénué de liens avec un autre album (pas les mêmes personnages, pas le même univers, pas le même style graphique). Elle vient ainsi confirmer la rupture du principe de série dans les années 2000. Malheureusement, depuis 2008, la série semble arriver, après dix ans de succès, à un certain épuisement. Non pas tant, comme beaucoup d’autres séries, pour un défaut de qualité : les « règles » de surprises constantes induites dès l’origine empêchent justement à la série de s’enfoncer dans la routine. Mais Trondheim et Sfar, les deux scénaristes, ont de nombreux projets en parallèle et semblent délaisser leur enfant : deux albums seulement en 2008, un seul en 2009… Le rythme de production baisse. Sur le site des « murmures du Donjon », site non-officiel de la série qui recense les albums, les personnages, les auteurs, et informent les lecteurs des nouveautés, il n’y a pas de sorties prévues pour 2010.Via le forum, Trondheim et Sfar previennent que le rythme baisse en raison des projets autres des deux auteurs, mais qu’ils sont en train de s’y remettre… En attente, donc, et en espérant qu’il ne s’agisse que d’un ralentissement temporaire, car le projet Donjon reste l’un des plus originaux des années 2000.

Pour en savoir plus :
Le site des murmures du Donjon
Le site Donjon Pirate saison 1
Le site officiel de Lewis Trondheim
L’article fort critique de Didier Pasamonik

Une réflexion au sujet de « Lewis Trondheim et Fabrice Parme, Panique dans l’Atlantique, Dupuis, 2010 »

  1. Ping : Les formidables aventure [avec/sans/chez un autre éditeur] de Lapinot « Culture's Pub

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