Archi et BD 3 : L’architecture dans la bande dessinée historique

L’exposition Archi et BD, actuellement à la Cité de l’architecture et du patrimoine, se termine à la fin du mois de novembre. J’en avais fait une critique au début de l’été et il m’était apparu qu’elle comportait bien trop de lacunes pour porter un regard pertinent sur son sujet. Qu’à cela ne tienne ! Comme on est jamais aussi bien servi que par soi-même, voici, d’ici la fin de l’exposition, une série d’articles pour démontrer qu’il était possible de faire une exposition intelligente, en ciblant davantage les thèmes, avec de belles images et peu de moyens (heureusement sans planches originales et malheureusement sans affiche de Nicolas de Crécy !).
L’architecture, c’est aussi un patrimoine et un art dont l’histoire sert à identifier les époques et les styles. Si François Schuiten, dans l’univers imaginaire des Cités Obscures, peut se permettre de mêler les courants, il n’en va pas de même pour les auteurs de bande dessinée historique. Dans ce genre spécifique et ancien, la tradition a progressivement imposé un traitement rigoureux de la représentation architecturale au moyen d’une solide documentation. Chez des auteurs comme Jacques Martin, François Bourgeon, Hermann ou André Juillard, l’architecture s’impose dans les cases. (cliquer pour agrandir les images en lisant l’article)

Archi et BD 1 : Villes rêvées de l’an 2000
Archi et BD 2 : Les Cités Obscures de Schuiten et Peeters, une encyclopédie de l’architecture

La tradition documentaire et pédagogique dans la bande dessinée historique traditionnelle
La bande dessinée historique est vieille comme la bande dessinée pour enfants. Dans les illustrés français des années 1900, à côté d’histoires en images humoristiques et fantaisistes, se trouvent des récits retraçant de grandes dates de l’Histoire de France, la vie de personnages célèbres, ou des fictions historiques. Les dessinateurs sont parfois les mêmes (citons par exemple Ymer ou Georges Omry, ce dernier auteur d’une « Histoire de France par l’image » dans La Jeunesse Illustrée) et ces oeuvres n’ont ni plus ni moins de mérite et de qualité que les autres histoires en images paraissant dans le journal. Leur objectif est la pédagogie par l’image : nous sommes dans les premières décennies de la IIIe République, les lois scolaires des années 1880 imposent dans les écoles l’enseignement d’une Histoire de France mythifiée et scandée par de grands thèmes. Cette évolution pédagogique est relayée dans certaines revues (Les Belles Images…) soucieuses de ne pas perdre de vue la mission éducative de la presse pour enfants et auxquelles il vient l’idée d’instruire tout en divertissant au moyen d’images et de fictions. Ce terreau originel de la bande dessinée historique française ne sera jamais vraiment perdu de vue par les auteurs qui suivront.
Mais pourquoi en parler dans un article sur l’architecture et la bande dessinée ? Les premiers auteurs brodant sur des thèmes historiques n’attachent pas une attention très poussée à l’architecture et à son historicité, qui n’est souvent qu’esquissée : on se concentre avant tout sur les gestes et les attitudes des personnages. L’architecture est un décor le plus souvent stéréotypé. Ymer apporte un soin particulier aux décors intérieurs qui semblent inspirés par la peinture d’histoire de l’époque, autrement dit par l’image que se fait le XIXe siècle d’époques comme l’Antiquité ou le Moyen-Age (à tout seigneur tout honneur : je reprends là une observation de Thierry Groensteen). La recherche de véracité dans la représentation architecturale demeure donc assez faible, l’enseignement de l’histoire passe avant tout par la connaissance de scènes et moments emblèmatiques de l’Histoire de France. Il serait intéressant d’étudier la proximité de ces décors avec ceux des illustrations de manuel scolaire de l’époque.

Chez René Giffey, ici pour Cinq-Mars, l'achitecture est certes un simple décor dans de petites vignettes, mais il faut admirer la précision du trait.


C’est là qu’intervient l’importance de la documentation dans le travail des dessinateurs de bande dessinée : cette pratique qui consiste à préparer un album par un travail de fond qui passe soit par des repérages de terrain, soit par la constitution d’une documentation iconographique de sources les plus divers. Ce phénomène est particulièrement connu dans le cas d’Hergé, dont les archives servent régulièrement de point de départ à une explication de l’oeuvre. Les dessinateurs français de bande dessinée historique, dans les années 1940-1950, conduisent probablement un même travail documentaire. René Giffey, Raymond Cazanave, Etienne Le Rallic, Bob Dan contribuent, selon la tradition du début du siècle, à imposer à la bande dessinée historique deux caractéristiques : le réalisme académique du trait et l’accent mis sur les attitudes des protagonistes, reléguant les architectures comme simples décors. Chez Cazanave et Bob Dan, toutefois, les plans d’ensemble sont plus nombreux, tandis que chez Giffey (dans Cinq-Mars, vers 1954), les architectures, même simplement esquissées derrière les personnages, sont extraordinairement précises.
Dans le même temps, c’est en Belgique, autour d’Hergé et du journal Tintin que la bande dessinée historique réalise une synthèse entre l’aventure et la pédagogie où la dimension documentaire, et la précision des décors et des architectures est essentiel. Ce trait est déjà présent chez Jacobs : les lecteurs du Mystère de la grande pyramide se souviennent peut-être que la première page de l’album (reprenant, je le suppose, la publication dans la revue à partir de 1952) est occupée par des considérations sur l’architecture égyptienne des pyramides et des tombeaux. Avec Jacques Martin, l’auteur d’Alix, les vastes vues de villes antiques se proposent au lecteur comme de véritables reconstitutions historiques détaillées. Reste à savoir, comme dans la période précédente, d’où vient la documentation de l’auteur : évocation graphique de manuels scolaires ou recherche érudite dans des livres d’histoire et d’archéologie ? Encore une fois, il s’agit de ne pas oublier que les revues de l’après-guerre sont destinées aux enfants et affirment un rôle pédagogique qui passe tantôt par des fictions historiques que par des articles et des bandes dessinées nettement didactiques : les Histoires de l’Oncle Paul remplissent dans Spirou le même rôle que les Histoires vraies de Tintin. Cette même revue publie, durant l’année 1949, une suite d’articles sur l’histoire de l’art occidental dans lesquels prend place l’histoire de l’architecture.

Les plans s'élargissent, ici chez Jacques Martin, très précis dans la reconstitution architecturale et la gestion de l'espace (Alix, Les légions perdues, 1962-1963)

Une place grandissante de l’architecture dans le renouveau de la BD historique des années 1980
Cette introduction, certes longue, était sans doute nécessaire pour expliquer la force de la tradition de la bande dessinée historique francophone (présente en France et en Belgique dans l’immédiat après-guerre) qui connaît un renouveau dans les années 1980, à travers des auteurs comme François Bourgeon, André Juillard, Didier Convard, Frank Giroud, tous présents dans le catalogue de Jacques Glénat. Ce dernier s’attache d’ailleurs, en même temps qu’il publie de jeunes auteurs, à rééditer les grands noms français, en partie oubliés, de la bande dessinée historique (Giffey, Le Rallic, Cazanave…). Les revues éditées par Glénat, Circus et surtout Vécu, concentrent des auteurs de bande dessinée historique qui poussent le genre hors de son tropisme enfantin originel. L’une de leur qualité incontestable est la précision documentaire : si elle est sans doute liée à l’héritage pédagogique du genre historique, elle s’en détache pour devenir une des caractéristiques du réalisme historique des récits. Réalisme qui se concrétise par une documentation et une érudition magistrale. Chez certains, comme André Juillard, il s’agit avant tout d’une passion pour l’Histoire, mais d’autres, comme Frank Giroud, ont suivi, avant d’être dessinateurs, une formation académique d’historien.
L’architecture devient alors une des données du réalisme documentaire historique, le plus souvent dans sa dimension monumentale (représentation d’édifices célèbres reconnaissables) mais parfois aussi dans la représentation de l’habitat du quotidien, ou des tentatives de reconstitution, pour les époques les plus anciennes. Les éléments architecturaux ne sont alors plus de simples décors stéréotypés derrière les personnages mais occupent une place essentielle, servie par la précision académique du trait de ces auteurs, qui n’oublient pas une brique ou une ardoise. On voit alors se multiplier, particulièrement en introduction aux scènes de dialogue, des plans très larges sur le lieu de l’action : André Juillard est un habitué de cette technique. Et quand il dessine le palais royal du Louvre dans Les 7 vies de l’Epervier, il dessine effectivement le palais royal du Louvre tel qu’il pouvait être au XVIIe siècle. Ce procédé semble relever à la fois d’une nécessité narrative (signaler au lecteur que l’on change de lieu, et éventuellement lui indiquer, par la seule architecture, de quel lieu il s’agit lorsque le monument est reconnaissable) et d’une jouissance propre au dessinateur qui doit se documenter pour proposer une reconstitution virtuose du bâtiment.

Pour terminer sur l’architecture dans la bande dessinée historique, et avant de passer à l’évocation de quelques auteurs, une petite piste de recherche : il faudrait étudier les liens entre la nature de la documentation des auteurs de bande dessinée historique et l’évolution des connaissances sur l’archéologie du bâti et le patrimoine architectural. Outre le fait, anecdotique, que de nombreuses pages d’Alix ressemblent aux reconstitutions graphiques que peuvent proposer les archéologues pour rendre compte d’un site, la question est bien celle de la circulation des images dans notre société, et dans le cas présent la circulation des représentations architecturales de notre passé en dehors des cercles universitaires. Il me semble, par exemple, que les architectures chez Martin sont bien plus proches des reconstitutions présentées dans les ouvrages historiques que des décors de cinéma des peplums holywoodiens qui représentent un « stéréotype » d’architecture antique. Ce fait est confirmé par Jacques Martin lui-même qui déclare, dans une interview donnée à Thierry Groensteen, qu’il emploie, dès les débuts d’Alix en 1948, une documentation scientifique importante, d’abord issue de bibliothèques publiques puis achetée par ses propres moyens. Il dit notamment être allé puiser chez les archéologues anglo-saxons qui, contrairement à leurs homologues français, sont plus enclins à dresser des reconstitutions graphiques des sites qu’ils étudient, et élaborer des hypothèses architecturales. Il se montre tout à fait conscient que les vestiges actuels ne peuvent donner qu’une image approximative de l’architecture antique ; il fait preuve, à l’égard des sources, d’une rigueur et d’un scepticisme d’historien et d’un souci constant de véracité. Il explique ainsi que, pour ses albums les plus récents (nous sommes en 1984 au moment de l’interview), il a rompu avec l’image traditionnelle mais fausse des temples romains de marbre blanc pour leur donner des couleurs, comme c’était le cas dans l’Antiquité. Le souci pédagogique n’est jamais loin chez Martin : « Je crois que je peux à présent me permettre ce surcroît de réalisme, et même que j’y suis tenu, dans la mesure où l’on me considère de plus en plus comme un auteur de référence pour tout ce qui touche à l’Antiquité. ». Les albums les plus récents d’Alix, dessinés par les sucesseurs de Martin, mort en janvier dernier, sont clairement orientés dans une optique didactique, sur les villes de l’époque romaine (série « Les Voyages d’Alix », depuis 1996). La bande dessinée historique, dans sa représentation d’une architecture que nous ne connaissons que par recoupement toujours lacunaires, peut être le reflet de l’état des connaissances à une époque donnée, tout comme elle peut être l’endroit où se transmettent les clichés récurrents sur une époque, cela en fonction du rapport que le dessinateur possède face au travail de documentation.

Des traitements différenciés : l’architecture chez Hermann, Bourgeon et Juillard

Voyons maintenant quelques parcours individuels dans le monde de la bande dessinée historique, et leur traitement de l’architecture :

Représentation du chantier d'une cathédrale par Hermann, image type de notre vision du Moyen Age ici dynamisée par la plongée (Les Tours de Bois Maury, tome 1, p.10 ; 1984)


Ce qui peut m’intéresser chez Hermann n’est pas tant la question de la documentation : il ne se situe pas à proprement parler dans la veine rigoriste d’un Martin. Mais ce qui importe est la place donnée au décor, sans cesse fourmillant de détails et très travaillé. Les vues larges sur des bâtiments sont fréquents dans ses albums, et la maîtrise de la spatialité architecturale lui permet quelques audaces graphiques, moins sages que dans la veine classique de la bande dessinée d’histoire, où les bâtiments ont souvent quelque chose de figé et de solennel. Dès le premier épisode des Tours de Bois Maury, l’un des héros est un maçon, « bâtisseur de cathédrales ». Pour souvenir, la relation entre le Moyen Âge et les grands chantiers de cathédrales se répand dans le grand public à partir de la parution de l’ouvrage de Georges Duby Le Temps des cathédrales en 1976. Hermann commence sa série en 1984 pour la fameuse revue Circus de Glénat et, quatre ans plus tard, paraît le best-seller anglais de Ken Follet Les Piliers de la terre qui tourne autour d’une famille de bâtisseurs médiévaux. Il n’y a bien sûr pas nécessairement de lien direct entre ces trois oeuvres mais Les Tours de Bois Maury s’inscrit aussi dans un ensemble de représentations liées à son époque. Dès le premier album, Hermann en profite pour dessiner, en plongée, le chantier d’un édifice religieux, refusant une représentation statique de l’architecture qu’il cherche ici inachevée et dynamique (il faudrait toutefois voir si cette représentation de l’architecture n’est pas directement issue de la manière dont les manuels d’histoire représente les chantiers médiévaux, utilisant la plongée à des fins didactiques pour montrer les étapes de la construction). Est-ce un souvenir de sa propre formation d’architecte ? Nadine Douvry signale que le type de château tout en pierres dessiné d’abord par Hermann ne correspond pas à la réalité de l’époque choisie (le XIe siècle), mais nuance en expliquant que l’auteur corrige le tir dans les albums suivants en préférant la représentation de châteaux de bois, des « mottes castrales », moins anachroniques. Au fur et à mesure, Hermann cherche l’exactitude entre l’architecture et l’époque, sans aller jusqu’à l’évocation érudite à la façon de Bourgeon ou Juillard. Mais les lieux commencent à se faire plus identifiables à mesure que le chevalier Aymar de Bois Maury se déplace, du pays de Caulx jusqu’en Terre Sainte. Au-delà de l’aventure, le moyen âge d’Hermann en ressort au moins vraisemblable.

Dans cette double page, Bourgeon représente sous tous les angles la Nottoway Plantation... (Les Passagers du vent, t.6, p.24, 2009)


... un bâtiment authentique de Louisiane, construit autour de 1858


Parler de la documentation dans la bande dessinée historique sans parler de François Bourgeon ne me paraît guère possible : ce dessinateur est justement connu pour l’immense documentation dont il se sert pour ses albums et à sa recherche de réalisme historique dans les dialogues comme dans les décors. Il commence chez des éditeurs confessionnels (Fleurus et Bayard) et, dès cette époque, se consacre à des dessins historiques pour des livres à visée éducative (Il dessine notamment en 1978, pour Univers Média, un Maître Guillaume et le Journal des bâtisseurs de cathédrales sur le Moyen Âge scénarisé par Pierre Dhombre : la trace de la pédagogie n’est jamais loin !) C’est peu de dire, également, que la représentation architecturale est une des données du style de Bourgeon. Il s’applique à dessiner, avec un hyperréalisme presque photographique, les villes et les maisons, imaginaires ou non, et multiplie les angles de vues (vue frontale, vue aérienne, vue de biais) pour renseigner le lecteur sur la spatialité des lieux. D’autre part, il s’applique à reproduire les styles historiques avec une grande attention, s’appuyant sur une documentation pointue : la plupart des bâtiments représentés ont un modèle historiquement juste (à l’image de la Nottoway Plantation du dernier opus des Passagers du vent, bâtiment réel construit en 1857-1859 et visité par l’héroine de Bourgeon en 1863). Pour représenter la Marie-Caroline, le navire sur lequel se situe l’action des Passagers du vent (série commencée en 1979), il se rend au musée de la Marine où il étudie les maquettes. Il utilise un ouvrage de Jean Baudriot, renovateur du modélisme naval, Le vaisseau de 74 canons (1977) pour maîtriser l’aménagement intérieur des vaisseaux du XVIIIe siècle. Le travail de Baudriot est justement basé sur l’importance du dessin dans la transmission de son savoir historique. Le souci d’exactitude de Bourgeon est le même lorsqu’il représente des villes au XVIIIe siècle : la reconstitution passe par la consultation de cartes, de gravures, de peintures, et de monographies sur les architectures des pays traversés. Comme Martin et Hermann l’ont souligné avant lui, c’est dans les études historiques anglo-saxonnes qu’il trouve des tentatives de reconstitution et des précisions sur l’histoire matérielle dont il peut s’inspirer. On pourrait continuer au fil du récit pour les autres lieux traversés : chacun d’eux nécessitent, de la part de l’auteur, des recherches bibliographiques, des témoignages iconographiques et parfois même la réalisation de maquettes. Tout ce travail se ressent parfaitement dans les albums où les architectures, loin d’être de simples décors, se déploient sur de très larges cases et imposent leur présence et leur réalisme.

Juillard utilise l'architecture monumentale et reconnaissable pour introduire des séquences narratives (Les 7 vies de l'Epervier, t.2, p.3 ; 1992)


André Juillard m’a toujours semblé être parmi les plus classiques des auteurs de bande dessinée historique, aussi bien par son trait, qui s’inscrit dans le mouvement de retour au style d’Hergé et Jacobs, dit « ligne claire », que dans son traitement de l’architecture et des villes. L’inspiration de Martin est très nette. Il a d’ailleurs travaillé avec lui pour la série Arno en 1982. Tout comme Bourgeon, il passe entre les mains des éditions Fleurus et c’est là qu’il commence à réaliser des récits historiques, autour de 1976 (Bohémond de Saint-Gilles). Outre d’autres séries historiques (Arno, Masquerouge…), il commence en 1983 dans Circus Les 7 vies de l’Epervier avec Patrick Cothias au scénario. La série se déroule au début du XVIIe siècle et, contrairement à Hermann et Bourgeon qui décrivent des personnages fictifs (de la « petite histoire » face à la « grande Histoire », pour être grossier et réducteur), Juillard et Cothias n’hésitent pas à se confronter à des figures historiques tels que le roi Henri IV et la vie de la Cour. Dans le même ordre d’idées prime la représentation de monuments historiques importants sur celle de l’habitat du quotidien. Juillard se montre très à l’aise dans des représentations solennelles de grands édifices, notamment les différents palais royaux (Saint-Germain-en-Laye, le Louvre). Il représente un Paris beaucoup plus monumental que réel où se détachent les tours de Notre-Dame et le palais du Louvre (à l’image de celui que nous pouvons contempler au XXe siècle). Là où Hermann aime les détails et les enchevêtrements, les édifices de Juillard sont plus propres, avec des lignes et de perspective beaucoup plus nettes et marquées, plus proche du travail de Martin, par exemple. La représentation de l’architecture est très calibrée. Généralement plus rare, elle joue un rôle avant tout narratif, pour introduire et opérer les transitions entre les différentes scènes. Reste que Juillard fait bel et bien partie de la tradition du réalisme documentaire et de l’académisme graphique propre à la bande dessinée historique des années 1980.

Pour en savoir plus :
Des ouvrages que j’aurais aimé lire plus en détail et dont la lecture attentive ferait apparaître que l’article ci-dessus ne constitue guère plus qu’une introduction sur le sujet. D’autre part, il s’agit de ne pas oublier que la bande dessinée historique ne se limite pas à l’école du réalisme documentaire et que, dans les années 1990, des auteurs comme Christophe Blain renouvellent le genre. Comment traitent-ils alors de l’architecture ?
Sur la reconstitution historique chez Jacques Martin, l’ouvrage d’entretien mené par Thierry Groensteen Avec Alix (Casterman, réédité en 1987) offre des pistes intéressantes.
Sur André Juillard, le catalogue Entracte (2006) permet de contempler la maîtrise du dessin d’architecture, historique ou non, par l’auteur, dans ou hors du cadre de la seule bande dessinée. Il existe également une monographie-interview par Michel Jans et Jean-François Douvry parue chez Mosquito en 1996.
Sur Hermann : Hermann, une monographie par les mêmes auteurs que pour Juillard, Mosquito, 1997. On y trouve une analyse historique des Tours de Bois-Maury par Nadine Douvry. Et son site officiel : http://www.hermannhuppen.be/
Sur François Bourgeon, l’ouvrage de Michel Thiébaut Les Chantiers d’une aventure : autour des Passagers du vent (Casterman, 1994, réédité en 2010 par 12bis) permet de se faire une bonne idée de l’impressionnant travail de documentation historique de l’auteur.

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